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Découvrez notre rubrique « Point Par Point » qui retrace la vie de nos joueurs. Ce mois-ci, c’est Mehdi Tahrat qui s’est prêté au jeu !

Point Par Point
.A.la.maison.

« Je suis né à Meudon mais j’ai grandi à Sainte-Geneviève-des-Bois. J’ai fait mes 20 premières années dans cette petite ville sympathique de l’Essonne. C’est en périphérie de Paris mais ce n’est pas la campagne. J’habitais dans un de ces quartiers où le foot est très populaire.

Mon père était conseiller clientèle dans la banque et ma mère aide-soignante, tous deux maintenant à la retraite. J’ai trois grandes sœurs : Djida l’aînée, Lynda et Karina, et un petit frère de 25 ans Idriss. On a grandi dans un environnement familial très agréable. On s’est toujours très bien entendu. On a ce besoin permanent d’être en contact les uns avec les autres »

.Les.origines.

« Je suis d’origine algérienne, d’un petit village de la petite Kabylie. J’ai encore l’essentiel de ma famille là-bas. Jusqu’à mes 12-13 ans, je passais tous les week-ends chez ma grand-mère. Même quand il y avait des matchs de football, je ne pouvais pas déroger à la règle. Grâce à ma grand-mère, on était constamment baigné dans nos origines. De leur côté, mes parents ont essayé de nous éduquer à la façon occidentale pour que l’on puisse optimiser au maximum nos chances en matière d’intégration.

Quand j’étais plus jeune, je n’allais pas souvent en Algérie. Chaque été, nous avions la possibilité de découvrir des destinations différentes. Mon père travaillait dur pour cela. Depuis quelques temps, je vais de plus en plus en Algérie notamment grâce à la sélection nationale. Quand j’y retourne, je constate l’importante place que le football y occupe. Le fait de porter le maillot de l’équipe nationale change énormément de choses, que ce soit au niveau du regard de mes cousins ou de celui des gens du village, c’est une immense fierté. »

.Petit.garçon.

« J’étais bon élève, avec des facilités, mais bavard. J’avais parfois du mal à rester concentré ou assis longtemps dans une salle de classe. Les bonnes notes m’ont souvent sauvé de mon comportement. A la maison, j’étais calme car après l’école, le foot et les devoirs, j’étais fatigué. Je n’avais pas assez d’énergie pour faire des bêtises. Même si de temps en temps on se chamaillait entre frères et sœurs. »

.Le.football.

« La banlieue m’a donné le goût du football. Après l’école, j’y jouais avec mes copains. Ma famille a aussi contribué au fait que je devienne footballeur professionnel. Tout le monde m’a soutenu, quelles que soient les difficultés que j’ai rencontrées.
Ma sœur Lynda était footballeuse professionnelle à Juvisy (Essonne). Elle a même été sélectionnée à trois reprises en Equipe de France. Elle a mis un terme à sa carrière suite à une double fracture tibia-péroné. C’était une très bonne joueuse mais je pense que je suis plus fort qu’elle ! [Ndlr, rires] Elle était attaquante et je suis défenseur central. En vérité, plus jeune, elle me passait systématiquement !  Elle m’a clairement transmis l’amour du football notamment grâce à notre passion commune pour Roberto Baggio.
Avec son expérience du haut niveau, elle a pu me mettre en garde sur les difficultés pour réussir. Elle m’a un peu challengé, même piqué. Elle m’a dit un jour que je ne serai jamais footballeur professionnel, que j’en n’étais pas capable. Je lui ai répondu « C’est ce que l’on verra ! ». Aujourd’hui, on en rigole ! Elle a contribué à me forger un caractère. Maintenant elle est très contente et surtout très fière de moi. C’est une de mes premières supportrices. Elle m’encourage et me donne des conseils. Comme tous les membres de ma famille, c’est une force supplémentaire.»

.Un.parcours.atypique.

« Mes parents m’ont appris l’importance des études. C’était la seule issue rationnelle qui me permettrait de me construire un avenir. Mais en même temps, je voulais devenir joueur professionnel. J’ai donc allié les deux et pour y parvenir j’ai privilégié des études dans les finances. Si le football n’avait pas eu une place aussi importante, je me serais tourné vers les sciences et j’aurais peut-être fait une prépa en médecine ou autre chose dans ce domaine.

J’ai eu mon baccalauréat économique et social avant de faire six mois de DUT qualité logistique industrielle et organisation. Mais comme ça ne me convenait pas, j’ai arrêté pour travailler six mois. J'ai ensuite fait un DUT technique de commercialisation que j’ai obtenu. A 21 ans, j’ai entrepris une licence banque assurance finance en alternance. Au moment de rendre mon mémoire, j’ai eu l’opportunité de rejoindre le club de foot professionnel du LOSC. Je devais faire un choix. J’ai pris le risque de ne pas valider ce diplôme et de saisir cette opportunité dans le football sachant que par le passé, j’en avais déjà laissé passer une pour privilégier mes études.

Je ne changerai pas le parcours que j’ai eu car ça m’a permis d’intégrer certaines valeurs. Travailler m’a permis d’assimiler la valeur de l’argent et du travail. Quand j’ai découvert le monde du football professionnel, j’ai eu grâce à cela un certain recul. J’ai vécu une vie un peu classique. J’ai grandi au contact de ma famille, de mes amis. J’ai connu les années FAC. »

.Changement.de.poste.

« Différents coachs et éducateurs ont contribué au fait que je puisse devenir footballeur professionnel. Notamment Christian, l’un d’entre eux qui m’a répété que si je voulais devenir pro, je devais jouer comme défenseur central et non milieu de terrain. « Tu as un bel avenir à ce poste » me disait-il. Je me suis braqué [Ndlr, rires]. Puis, avec le recul, j’ai compris qu’il avait totalement raison. Il a été très important.

Pour ma première sélection en équipe nationale algérienne, j'ai évolué en tant que défenseur central. C’est à ce moment-là que je me suis vraiment posé des questions. Si je voulais me donner un maximum de chance de pouvoir défendre les couleurs de l’Algérie, il fallait que j’évolue régulièrement à ce poste en club.

Je n’ai jamais voulu être attaquant comme ma sœur. Certes, j’aimais bien marquer des buts mais je préférais surtout porter le ballon. Les postes au milieu de terrain me permettaient de toucher un peu plus le ballon qu’en défense ou devant. »


Mehdi avec son neveu

.La.famille.

« J’ai croisé pour la première fois ma femme Cindy en maison de quartier à Sainte-Geneviève-des-Bois. J’avais 14-15 ans. Elle m’avait tapé dans l’œil ! On a gardé contact quelques temps avant de se perdre de vue. On s’est retrouvé par hasard dans la même école durant nos études en DUT. On avait 19 ans. On s’est fiancé à 22 ans.

Nous avons deux filles, Kehina 4 ans et Neïla 1 an et demi. Mes filles, c’est tout ! Elles ont changé ma vie. Avec ma mère, ce sont les femmes de ma vie ! C’est quelque chose d’exceptionnel pour moi surtout que j’ai toujours aimé les enfants.
Pour la petite anecdote, on devait jouer avec le Paris FC un match très important à Bourg-Peronnas pour la course à l’accession en Ligue 2. Je n’avais pas fait le déplacement avec le groupe car je souhaitais assister à la naissance de mon premier enfant et rester aux côtés de ma femme. Mais je lui ai aussi fait savoir qu’il fallait que ça ne prenne pas trop de temps car j’avais un match [Ndlr, rires]. Après un accouchement réussi et une nuit blanche, j’ai rejoint le groupe le matin. On a gagné et j’avais fait un super match alors que je n’avais pas dormi. Sûrement à cause de l’euphorie !
En tant que sportif de haut niveau, on doit aller chercher des motivations, des forces supplémentaires pour se transcender. Avoir des enfants, ça aide ! Quand j’ai un coup de moins bien, je me ressource auprès de mes filles. Si je veux les rendre fières et leur offrir ce qu’il y a de meilleur pour leur avenir, je ne dois pas baisser les bras.

Tant qu’elles sont encore petites, je profite d’être un papa gâteau. Quand elles grandiront, ce sera différent. Mais je suis assez rigoureux dans leur éducation. Je mets un point important dans l’apprentissage et la discipline. Mais ça ne m’empêche pas de m’amuser avec elles. Il y a un équilibre à trouver. »

.Dans.la.vie.

« Je suis têtu. Je manque aussi parfois de ponctualité surtout quand je dois rejoindre mes amis, mais pour les obligations professionnelles c’est différent. Je peux justifier ce défaut ! J’ai parfois tellement attendu mes potes plus jeunes qu’aujourd’hui je privilégie la situation inverse [Nldr, rires]. Je suis quelqu’un de sociable et en même temps timide de nature. Quand on me connait un peu plus, on s’aperçoit que j’ai un gros caractère. Avec mes proches, je peux être très dur quand il s’agit de réussite. Mon petit frère, à qui je tiens énormément, peut en témoigner. J’estime que certaines exigences lui permettront de réussir dans certains domaines. »


Avec sa femme Cindy

.Les.préjugés.

« J’ai souvent entendu dire que les footballeurs ne connaissent pas la valeur de l’argent, qu’ils manquaient de certaines valeurs, etc... Ça en concerne certains c’est vrai, mais ça ne vaut pas pour tout le monde. La plupart des joueurs sont loin de ce cliché. On peut aisément gagner sa vie et avoir des valeurs très simples. Personnellement, je n’ai pas changé mon mode de vie même si forcément il y a plus de facilité pour envisager des projets.

Je trouve aussi que les femmes de footballeurs souffrent d’une mauvaise image alors que ce n’est pas facile ! Ma femme doit faire face à mes déceptions. Parfois, elle est mon coach et elle me donne des conseils. Elle fait de très bonnes analyses de match d’ailleurs ! Dans les moments un peu plus difficiles, elle est là pour me soutenir. Dans le foot, on est beaucoup amené à se déplacer, à être loin de sa famille un ou deux jours toutes les deux semaines, à partir en stage, en sélection, etc... Ma femme est là au quotidien et tient très bien son rôle. C’est une chance ! Si je n’avais pas été marié aussi tôt et avec elle, je n’aurais peut-être pas eu le même équilibre propice à l’évolution que j’ai eu.
Elle travaillait dans la banque et aujourd’hui, elle est maman à temps plein. Mais on réfléchit à des projets qui lui permettraient de trouver un épanouissement professionnel. Je pense que c’est important. »

.La.religion.

« Je suis musulman suite à un réveil spirituel personnel. Ça ne m’a pas été transmis ou inculqué. Nos parents nous ont laissé grandir avec la possibilité de nous questionner. Ça m’est venu très tôt. Ça m’apporte un équilibre et une certaine forme de sagesse. J’ai une vie très modérée. J’aime les choses simples. Sans la religion, j’aurais peut-être eu une vie différente, peut-être faite de plus d’excès. Ça m’a appris certaines valeurs comme le respect d’autrui, la tolérance, le savoir-vivre ensemble, l’humilité... »

Par Leïla Talbi - rclens.fr