S’il y en a bien un qui ne se prend pas la tête, c’est Abdellah Zoubir. De nature tranquille, il n’est pas du genre à s’inquiéter facilement. L’attaquant lensois s’est livré sans tabou et en toute simplicité pour ce troisième volet d’Entre les Lignes…
C’est dans le quartier de Lille Sud, à une trentaine de kilomètres de Lens, qu’est né, le 5 décembre 1991, Abdellah Zoubir. D’origine marocaine, il a grandi dans une famille ordinaire entouré de son père, gardien d’une salle de sports et d’une piscine, de sa mère, employée dans une crèche et de ses frères et soeur. « Mes parents viennent du Maroc, de Casablanca précisément. On a été élevé avec la double culture. On parlait l’arabe et le français à la maison. Ce n’était pas le Maroc chez nous mais il y avait beaucoup du pays. »
De son éducation, Abdellah en garde aussi la religion qu’il pratique assidûment. Les valeurs qu’elle dégage lui ont appris la patience qui l’a aidé à traverser les épreuves du football comme les blessures, la concurrence…
Avec ses frères et sœurs, c’était comme dans la plupart des familles : « On s’embrouillait de temps en temps. On jouait souvent à la console et quand je perdais, la manette volait dans la pièce. Des petites chamailleries, rien de méchant. » C’était facile pour Mouad le grand sage et Tarek le petit foufou de faire tourner en bourrique Abdellah le rebel. « Je râlais tout le temps ! Il ne fallait pas trop me taquiner. Je prenais beaucoup la mouche mais au final c’était plus drôle que méchant. Par contre, avec mes parents je me tenais à carreau. Je les respecte trop pour ça ! »
Quand il n’était pas avec sa famille, Abdellah passait tout son temps libre avec ses potes qu’il connait depuis tout petit. Quand il retourne au stade Driss Berkani, il y retrouve ses amis, comme au bon vieux temps. « On est un bon groupe ! C’est comme si rien n’avait changé. De toute façon, je suis resté le même. Je ne suis pas quelqu’un d’orgueilleux. Mes amis sont très contents pour moi, pour ma carrière à Lens. Et ça, ça me rend fier ! »
Contrairement au football, il ne fallait pas lui parler de l’école : « J’étais trop nul !, en rigole Abdellah. Je n’arrivais pas à rester en place toute la journée. Ça ne m’intéressait pas et je n’y mettais pas du mien. J’ai même redoublé deux fois ! J’ai été jusqu’au baccalauréat que je n’ai pas eu car je n’allais pas souvent en cours. Sans réviser, je n’étais pas loin du rattrapage ! Si j’avais voulu, j’aurais pu avoir le bac… »
Alors que faire sans diplôme en poche et aucun projet d’avenir ? Le jeune marocain savait que sans club formateur, les chances de devenir footballeur étaient maigres. Mais pour Abdellah, il n’y avait pas de quoi s’alarmer. « Ok, je ne savais pas du tout que ce que j’allais faire de ma vie mais j’ai toujours été un débrouillard. S’il y a bien quelque chose dont j’étais certain, c’est que je m’en sortirai. J’aurais pu trouver un job comme tout le monde. Mais finalement, le football est arrivé d’un coup… » Abdellah jouait avec ses frères et ses potes dans le club de son quartier. « A cette époque, de grands joueurs de futsal perçaient en foot à 11 comme Wissam Ben Yedder ou Youssef El Arabi. Je n’ai rien lâché et des recruteurs m’ont repéré. Ils m’ont donné ma chance ! Je reviens de trop loin ! »
Abdellah a dû faire plus d’un ajustement. Ce n’était pas chose aisée de passer du futsal au football à 11. « Quand j’ai commencé le jeu à 11, j’étais perdu. J’avais beaucoup de mal au niveau des placements. Je ne savais qu’éliminer des joueurs, frapper au but ou faire une passe. A Grenoble, j’étais le seul à rester après les séances. Le coach Olivier Saragaglia me gardait avec lui. Ça me rendait fou car je préférais rentrer chez moi mais j’étais obligé. On travaillait les placements et la tactique. Puis quand j’ai signé pro… c’était encore plus dur car ça allait plus vite. J’ai eu du mal au début. »
A 19 ans, Zoub’ - comme on le surnomme dans les vestiaires - quittait pour la première fois son quartier, sa famille, ses amis, les gens qui l’ont vu grandir et qui le connaissent bien. « J’avais un gros problème avec l’éloignement. Quand j’ai rejoint Grenoble, je rentrais après chaque match à Lille. Parfois, je voulais repartir après les entraînements. Même si c’était juste pour quelques heures, j’avais besoin de voir ma famille et mes amis. Ma mère me disait que j’étais fou de faire ça ! C’était compliqué mais au bout d’un moment, j’ai pris mes marques et j’ai arrêté de faire autant de fois le trajet. »
A gauche : L'Equipe de France de Futsal et au centre Kylian MBappé (t-shirt blanc) qui s'était invité sur la photo
A droite : L'équipe de futsal de Lille Sud
Après l’éloignement, Abdellah a connu la barrière de la langue en signant en Ecosse puis en Roumanie : « Un jour, on était en séance de musculation. Je ne comprenais que très peu l’anglais et j’ai entendu un de mes équipiers faire des blagues sur moi. Je lui ai dit « C’est pour toi que je vais apprendre l’anglais ! » J’ai pris des cours et ça m’a beaucoup aidé. »
Aujourd’hui, Abdellah est footballeur professionnel, joue dans un stade plein, passe à la télévision… et n’a pas pris la grosse tête. Il a su rester le même et les gens n’ont pas changé de regard sur lui. Son père vient à tous les matchs à Bollaert-Delelis. « Il me dit simplement de bien jouer et de gagner. Après chaque match, j’ai le droit à une analyse. Ce qui est bien, c’est qu’il me dit quand je fais des choses bizarres sur le terrain. Il est objectif. Quand c’est négatif, ça m’énerve ! Mais au final, je l’écoute. J’ai réussi à prendre mes marques même si je sais que ce n’est pas encore parfait aujourd’hui. »