Pour ce nouveau volet d’Entre Les Lignes, Dusan Cvetinovic nous fait voyager à plus de 1400 kilomètres de Lens ! Souriant et attachant, le défenseur lensois nous entraine dans son histoire : de son enfance en Serbie pendant la guerre à son rôle de père qui l’occupe aujourd’hui...
Dusan Cvetinovic est né le 24 décembre 1988 à Sabac en Serbie. C’est dans une famille soudée qu’il a grandi, à l’image des familles serbes très unies : « Nous sommes proches avec mes parents et ma sœur. Maria a deux ans de moins que moi. On a toujours été complices. » Comme tous les frères et sœurs, il leur arrivait de se chamailler et Dusan prenait un malin plaisir à la taquiner : « Quand elle se confiait à moi, je me moquais d’elle gentiment. Ça la mettait en colère et ça finissait forcément en bagarre. Elle essayait toujours de me frapper. Elle prenait des cours de taekwondo. Elle était très douée ! Dès que nos parents franchissaient la porte de la maison, elle se mettait exprès à pleurer en disant « Il m’a tapé ! ». Ça m’a toujours fait rire. »
Malgré la distance, Dusan reste très proche de ses parents qui vivent toujours en Serbie. Il « redescend » les voir de temps en temps. Son papa, camionneur, et sa maman, professeur de technologie au lycée, sont fiers de leur fils et de son parcours et sont devenus fans du Racing. Mais au fond de leur cœur, ils chérissent le jour où Dusan reviendra en Serbie.
En haut à gauche avec sa maman
Le petit Dusan a connu une enfance paisible préservée par son père qui ne parlait jamais de la guerre à laquelle il a participé. « Il ne nous a jamais raconté ce qu’il a vécu. On a toujours essayé de rester positifs, de discuter de choses agréables. Certains amis en parlaient. Les gens ont dû faire des choses terribles. Ça a été plusieurs années très difficiles pour toute la Yougoslavie. »
C’est très jeune, à l’âge de 10 ans, que Dusan a frappé pour la première fois dans un ballon. « Un de mes meilleurs amis [Ndlr Nemanja Kuzmanovic actuel milieu de terrain d’Opava en République Tchèque] me demandait toujours de l’accompagner à l’entraînement. Et un jour, je me suis décidé à venir avec lui. On a parcouru 5 kilomètres sur nos petits vélos. Je n’avais jamais assisté à un vrai entraînement de football. » Ce rendez-vous improvisé est vite devenu une habitude. Dusan a rapidement pris goût au football et surtout au poste de défenseur. « Quand j’étais plus petit, j’ai joué à différents postes mais j’ai toujours pris du plaisir à défendre. Peut-être parce que je ne sais pas attaquer… » aime-t-il plaisanter.
Avec ses camarades de classe
Lors de sa dernière année de lycée, Dusan se destinait à partir dans une filière de médecine. A la même période, il signait au OFK Belgrade. C’était compliqué pour lui de devoir allier les études, les entraînements et les matchs avec les pros. « Au début, je ratais pas mal de cours. Mais ma professeure principale a été extraordinaire avec moi et m’a permis de trouver du temps pour étudier. » A la fin de ses études secondaires, il a dû faire un choix. « Je n’avais que 18 ans et je jouais déjà avec l’équipe première. Je ne savais pas quoi faire. Poursuivre dans le football ou continuer mes études ? » Finalement, il a décidé de se laisser deux ans pour voir… « Si je n’étais pas heureux d’ici là, j’arrêterais et je reprendrais les études supérieures. » Et heureux, il l’a été ! Après avoir quitté la Serbie pour la Suisse à 21 ans, Dusan a fait une halte au Liechtenstein puis en Norvège. Il y a rencontré beaucoup de gens venant de Croatie, Bosnie… « C’étaient des personnes formidables. De toute façon, je ne fais pas de différence par rapport aux origines. Le plus important, c’est d’être une bonne personne. » Après cela, il a découvert la France, pays où il n’aurait jamais pensé jouer. « La France n’était pas du tout dans ma tête. Quand j’étais en Norvège, j’ai failli retourner en Suisse mais mon club a fait trainer les négociations et a acté une date butoir pour me laisser partir. Mais c’était très contraignant car le championnat suisse aurait déjà commencé. Ce n’est pas ce que je voulais. » Une vingtaine de jours plus tard, Dusan était contacté par Lens. Sa femme et lui allaient découvrir une nouvelle vie en commençant par l’arrivée de leur petit David quelques mois plus tard…
C’était bien évidemment un gros changement pour les deux tourtereaux. Il y avait beaucoup de choses auxquelles ils devaient s’adapter : la vie à la française, la région, une langue totalement étrangère, un logement à trouver et un docteur ! « Les premiers mois en France étaient très compliqués. Nous avons dû nous installer rapidement puisqu’Alexandra était enceinte. Mais une fois que le bébé est arrivé et que nous avons pris nos repères, nous nous sommes vite sentis bien. Nous sommes heureux et nous aimons la France. »
Il y a deux ans, David pointait donc le bout de son nez pour le plus grand bonheur de ses jeunes parents ! « Tout le monde nous disait que ça allait être un grand changement. On l’entendait mais on ne le réalisait pas jusqu’à ce que notre premier enfant naisse. Lorsque l’on veut aller boire un café, on ne peut pas parce que le bébé dort. On veut aller se promener, on ne peut pas parce que le bébé dort. On veut aller au cinéma, non, le bébé… Mais c’est un changement incroyable ! »
Le petit David pourra être fier d’avoir avec une double culture : serbe et française. Même s’il est encore très jeune, ses parents en voient déjà les avantages… « Après trois jours à la crèche, David est revenu à la maison et disait « doudou, doudou ». Je lui ai donné sa tétine car c’est comme ça que l’on dit en serbe. Mais il a commencé à s’agacer, à repousser la tétine et à pointer du doigt sa peluche. Avec ma femme, on a cherché la traduction et on a vu ce que ça voulait dire. Grâce à lui, on a appris un nouveau mot ! »
Même si le papa gâteau consacre tout son temps à sa petite famille, il arrive tout de même à dévorer quelques bons livres sur la psychologie. Il avait aussi comme projet, en arrivant au RC Lens, d’apprendre la guitare mais peine perdue… « Quand j’essaye de jouer de la guitare, David tape sur les cordes ! ».
Du haut de son mètre 86, Dusan en impose mais est en réalité une vraie crème, toujours le sourire aux lèvres. « La vie est magnifique ! Je relativise quand j’entends certaines histoires… Et puis, une de mes amies d’enfance a eu des problèmes et est décédée à 28 ans. C’est dans ces moments-là que tu réalises que la vie est imprévisible. Aujourd’hui tu es ici, demain non. » Pour Dusan, il faut partager son énergie positive. Sourire à l’autre pour que lui aussi aie le sourire. « Et même quand on se sent mal, il faut sourire. Ça permet de se convaincre que l’on va bien ! » Dusan croit en l’amour et aussi en une force supérieure. « Certains l’appelle Dieu, d’autres Allah. Moi je crois qu’il y a quelque chose. Si tu fais le bien, il t’arrivera du bien. J’ai aimé lire beaucoup de livres à propos de la religion, de l’Islam, du Christianisme, du Judaïsme… Je pense que dans toutes les religions, la base, c’est l’amour. »
Pour achever son récit, Dusan a tenté de se projeter vers l’avenir. Retournera t’il en Serbie avec sa femme et son fils auprès de sa famille ? « C’est un super pays qui bouge. Il y a de bons restaurants, des magasins, la vie la nuit est incroyable... Mais pour les enfants, il n’y a pas de grands débouchés. » Pour l’instant, Dusan n’y pense pas. Comme il dit « La vie est imprévisible... »
Avec son fils David et sa femme Alexandra