Publié le 20/11/2024 à 15h02
Dirigeant visionnaire, leader fédérateur et figure artésienne, l’emblématique président lensois Gervais Martel fête ses 70 ans. Né le 20 novembre 1954 à Oignies en plein cœur du bassin minier, cet entrepreneur aussi passionné qu’audacieux a consacré sa vie aux Sang et Or, qu’il a guidés jusqu’au sommet du football français en 1998. À l’occasion de cet anniversaire, retour sur sept décennies singulières.
« C’est un beau prénom, parce que c’est un prénom qui ne s’oublie pas. » C’est l’intéressé, lui-même, qui le dit ! Gervais Martel naît le 20 novembre 1954 à Oignies, l’une des capitales historiques du bassin minier. Ainsi, c’est dans cette ville qu’a été découvert le charbon dans le Pas-de-Calais, en 1842. Ce prénom, ses parents – persuadés d’avoir une fille – l’ont pourtant choisi au dernier moment, en référence à un pot de yaourt posé dans la chambre de maternité. « Heureusement que ce n’était pas du fromage, sinon je me serais appelé Babybel (rire) », raconte avec son franc-parler habituel l’ex-président du Racing à France 3.
Naturellement, le très jeune Gervais Martel tisse ses premiers liens avec le Racing par l’intermédiaire de son père. Ce dernier, ingénieur des mines, voue un fort attachement au club artésien et à Bollaert-Delelis. Antre dans lequel il transmet pour la première fois le flambeau sang et or à son fils, alors âgé de 6 ans, lors d’un certain Lens-Rouen. Indéniable, son amour pour le RCL fait foi dès ses premiers pas au stade. Il est marqué par celui qui deviendra son joueur préféré, Georges Lech.
Tout petit, Gervais Martel voit déjà grand ! Sur les bancs de l’école, il dénote par sa précocité et sa soif d’apprendre exacerbée, qui, parfois, sont synonymes d’une hyperactivité débordante. « Je ne suis pas allé en CP parce que mon grand-père et ma grand-mère étaient directeurs d’école. Je savais lire et écrire à cinq ans et je suis rentré en 6e à huit ans et demi. J’étais trop éloigné, pas prêt, puis j’ai trouvé ma stabilité quand je suis revenu dans la région de Lens », explique-t-il dans le magazine SOFOOT. Si, du haut de leurs onze printemps, nombre de ses camarades rêvent de devenir footballeurs professionnels - à l'instar de son ami Farès Bousdira, futur joueur lensois (1971-1978) - les aspirations de Gervais sont tout autres : intégrer le Racing Club de Lens et en devenir le président !
Dès qu’il le peut, Gervais Martel met en avant les valeurs et l’histoire du bassin minier. Enfant, son père, alors ingénieur de la Compagnie des Mines, le faisait descendre au fond pour lui faire prendre conscience de la dureté du travail.
Attaché à l’histoire du territoire, il crée en 1983 le journal Le Galibot qui recense à l’époque 10 000 annonces par semaine et est tiré à plus de deux millions d’exemplaires. Plus qu’un clin d’œil, ce titre, choisi en allusion aux jeunes employés des houillères, est symbolique de l’amour que porte Gervais Martel pour ses racines. Malgré le succès des petites annonces, l’attention du chef d’entreprise est toujours portée sur le Racing, qu’il rêve de diriger un jour…
En 1988, son heure arrive enfin. Au terme d’une saison difficile en Division 1, les Lensois se maintiennent in-extremis. Une performance jugée insuffisante par le Jean Honvault, qui quitte son rôle de président. Entré au comité de direction quelques mois plus tôt et soutenu ardemment par le maire André Delelis, Gervais Martel est propulsé à la gouvernance du Racing, le 24 août 1988, à seulement 33 ans.
Supporter invétéré et avisé, le plus jeune dirigeant de D1 a une idée claire de la stratégie qu’il veut mettre en place. Avant de faire du RCL l’un des clubs phares du pays, il souhaite avant tout que l’équipe artésienne ressemble à son public. Pour ce faire, il emmène par exemple ses joueurs à la rencontre des mineurs de la Fosse 10. « Ces gens se saignent pour venir vous voir », lance alors le dirigeant aux Sang et Or qui enchaîneront ensuite les bons résultats.
À Lens, son ambition et sa sincérité persuadent. Convoités, les locaux Éric Sikora et Jean-Guy Wallemme restent Lensois. Puis Robbie Slatter, Roger Boli, Guillaume Warmuz ou encore Tony Vairelles renforcent le Racing une fois la remontée en D1 acquise. Sur le plan financier, Gervais Martel redresse le club, posant les premières pierres de « son » RC Lens.
En 1997, Gervais Martel veut aller plus vite. Réuni à sa demande, le comité de direction met en place un projet quinquennal visant à remporter un trophée, proposer du spectacle sur le terrain, construire un nouveau centre d’entraînement et maintenir des tarifs attractifs dans les tribunes populaires. Le natif de Oignies se donne les moyens de ses ambitions, recrutant Stéphane Ziani et Anton Drobjnak au nez et à la barbe de la concurrence.
À la tête de l’équipe, Gervais Martel place Daniel Leclercq, légende sang et or et entraîneur adjoint lors de la saison précédente. Autour de lui, le dirigeant lensois fédère. À Bollaert, le Racing est invaincu lors de ses dix premières réceptions et marche sur l’eau durant la seconde partie de saison. Début mai, la défaite en finale de la Coupe de France face à Paris (2-1) peut laisser des traces mais le président démontre sa faculté à remobiliser. Proche de ses joueurs, Gervais Martel assiste à de nombreux matchs depuis le banc de touche. Le 9 mai 1998, il est au plus près des siens lors de l’égalisation de Yoann Lachor à Auxerre (1-1), synonyme de premier titre de Champion de France…
À travers l’exploit des Sang et Or, Gervais Martel accomplit, en pile dix ans de présidence, son rêve le plus fou : ramener un trophée à Lens. Sur un nuage, il prend les commandes du tracteur qui traîne la benne remplie du groupe artésien, le 10 mai, dans les rues lensoises.
En 1998/99, le Racing découvre la Ligue des Champions. Sur leur lancée, les partenaires de « Siko » dominent le Panathinaïkos (1-0) et Arsenal (0-1), à Wembley. Puis, ils raflent un nouveau titre en dominant Metz en finale de la Coupe de la Ligue (1-0). Visionnaire, et fidèle au plan quinquennal imaginé quelques mois plus tôt, Gervais Martel injecte les recettes européennes dans la construction du CTS La Gaillette – dont le nom rend évidemment hommage aux mines. Sorti de terre en 2002, ce centre d’entraînement et de formation ultra-moderne pour l’époque réunit également les salariés administratifs du club.
Sous la houlette de Gervais Martel, le RCL écrit une nouvelle page de son histoire européenne en Coupe de l’UEFA. Lors de l’exercice 2000/01, des Sang et Or transcendés font chuter Kaiserslautern, le Cela Vigo puis l’Atlético de Madrid pour atteindre les demi-finales (battus par Arsenal). En 2002, les coéquipiers de Daniel Moreira retrouvent la phase de poules de la Ligue des Champions, durant laquelle ils réalisent de nouveaux exploits en accrochant le Bayern Munich, dominant La Corogne et renversant l’AC Milan.
Au début du XXIe siècle, l’œuvre de Gervais Martel est palpable : Lens possède un club attractif et une équipe qui gagne.
À l’approche du centenaire du club, Gervais Martel fête ses 50 ans, en 2004. Sa 51e année est notamment marquée par le premier titre européen du RC Lens, remporté en Coupe Intertoto aux dépens du CFR Cluj. Quelques années après avoir touché le sommet du football hexagonal, le dirigeant connait de premières difficultés majeures.
Au cœur de sa trentième année de présidence, Lens est relégué en Ligue 2, en 2008. D’un naturel obstiné, Gervais Martel ne baisse pas les bras. Dans le sillage de ce qui a fait la force du club à la fin des années 90, il fait appel à un homme du cru, Jean-Guy Wallemme, pour le poste d’entraîneur. Champion de L2, le Racing renoue avec l’élite mais traverse une période délicate sur le plan financier. En 2012, le président lensois vend ses parts après 24 années de gouvernance.
Obsédé par l’idée de ramener le club au plus haut niveau, Gervais Martel réunit des fonds et fait son retour à La Gaillette un an plus tard, avec le projet de retrouver la Ligue 1 à la fin de l’exercice 2013/14. Présents sur le podium durant 33 journées, les Sang et Or (2es) remplissent cette mission avec brio et célèbrent – Gervais Martel en tête – leur retour au plus haut niveau. « Elle est belle la vie... Surtout en Sang et Or ! », déclare Gervais Martel après une victoire à Istres (1-6).
Loin des yeux, près du cœur. Après trois décennies à la tête du Racing Club de Lens, Gervais Martel passe définitivement la main en juin 2018. S’il doit apprivoiser une nouvelle vie « sans » les Sang et Or, l’homme au grand cœur met son inextinguible passion et sa générosité au profit de causes différentes. En tant que président de l’association « La Chance aux Enfants », il consacre son énergie au projet d’emmener 15 000 jeunes des Hauts-de-France assister aux Jeux Olympiques de Paris 2024. En parallèle, il prend plaisir à commenter l’actualité footballistique, livrer son regard sur la Ligue 1 et évoquer le Racing en participant régulièrement à l’émission « L’Équipe du Soir ».
Mais avant tout chose, ce féru des Sang et Or reste l’un des plus fervents supporters du club. Dans la peau du douzième homme, il voit notamment le Racing renouer avec les joutes européennes en 2023, quinze ans après les avoir connues pour la dernière fois en tant que dirigeant. En marge de son 70e anniversaire, l’emblématique président lensois sera à nouveau au cœur de l’événement, ce samedi 23 novembre. Honoré avant RC Lens-Olympique de Marseille, Gervais Martel donnera ainsi le coup d’envoi fictif de la rencontre (17h à Bollaert-Delelis).