« La légende vivante de Bollaert ». Nous sommes en mai 2003, c’est la dernière rencontre de la saison face à Bastia, le Racing vient de gagner. Pour accompagner ce tifo mythique, les supporters sang et or scandent un nom : « Sikora, Sikora,… ». Pour eux, il s’agit d’une des dernières apparitions d’Éric Sikora à Bollaert même s’il resignera pour une saison supplémentaire en 2003-2004. Le public célèbre un de ses héros les plus emblématiques. « Un moment particulier de ma vie, se remémore-t-il. Le coach (ndlr : Joël Muller) me fait sortir en fin de rencontre pour l’ovation. C’est beaucoup d’émotion parce que tu te dis que c’est la fin. Mes amis sont là, sur le terrain, sur le banc, dans les gradins,… C’était très touchant. » Et quel chemin pour en arriver là !
Publié le 04/02/2021 à 07h14
Il a tout connu en sang et or. Du début de sa formation en 1980 jusqu’à son poste d’entraîneur des U19 aujourd’hui, Éric Sikora a gravé son nom auprès des personnalités emblématiques du Racing. Pendant toute sa carrière de joueur, le latéral droit a juré fidélité au maillot lensois et l’a conservé durant 19 saisons consécutives. Une loyauté jamais vue dans l’histoire du RC Lens. Reflet des valeurs du club, membre de l’équipe du titre en 1998 et acteur des premières épopées en Ligue des Champions, « Siko » fête aujourd’hui ses 54 ans.
« Siko » au Racing, cela commence dès 1980. Né à Courrières dans le Pas-de-Calais au sein d’une famille d’origine polonaise, le jeune homme est bercé dès son plus jeune âge par les exploits du club sang et or. « Étant de la région, le club à côté c’était Lens donc on allait voir les matchs. Et plus généralement, j’ai le souvenir de mes oncles ou mon grand-père qui m’emmenaient voir du foot. C’étaient des passionnés avant tout. » Alors, après des débuts en club à l’US Rouvroy, il rejoint la formation artésienne en minime. Dès ses premières années, les éducateurs remarquent un garçon pas comme les autres. « Il était impressionnant à tous les niveaux. Il avait une mentalité de battant et de bosseur » souligne Joël Bocquet, dirigeant au club depuis plus de 50 ans. D’une personnalité introvertie, se dégage un véritable goût pour l’effort sur le terrain. « Mes premiers entraîneurs - Marceau Boin, Henri Kosso - m’ont inculqué un état d’esprit mais aussi des valeurs, de respect notamment. Ils ont fait en sorte que je progresse sur et en dehors du terrain. »
Lors de ses premières apparitions en professionnel, il est directement installé sur l’aile droite, dans une position de latéral, sous les ordres de Joachim Marx. Les prémices de son style de jeu apparaissent : loin des feuilles de statistiques, « Siko » est un dur au mal, costaud dans les duels, qui ne rechigne pas à l’effort défensif mais qui aime aussi participer aux phases d’attaque avec sa capacité à accélérer dans son couloir pour relancer rapidement le ballon. « J’avais un bon pied pour les centres et les coups francs. Et puis j’ai très vite eu la confiance de mes coachs que ce soit Arnold Sowinski, Arnaud Dos Santos, Patrice Bergues ou Daniel Leclercq plus tard. » Une confiance qu’il convertit sur le terrain par des performances qui séduisent déjà le public sang et or. Dès sa deuxième campagne (1986-1987), sa place de titulaire est garantie sur le flanc droit. Et surtout, il goûte à sa première compétition européenne avec la Coupe de l’UEFA. Un échec certes face aux Écossais du Dundee United FC mais c’est une expérience pleine d’enseignements pour la suite de sa carrière.
Le premier but de « Siko » ? C’était contre Caen en 1988 à la maison. Une première morose tant la campagne 1988-1989 est compliquée pour le Racing. Le club sera d’ailleurs relégué en deuxième division mais remontera rapidement. Les matchs marquants commencent tout de même à s’empiler pour Éric Sikora. Et un certain 15 février 1992, une rencontre va marquer l’histoire plus que les autres. L’Olympique de Marseille de Boli, Papin and Co est en ville. 48 912 spectateurs sont à Bollaert. Un record pour l’époque dans le championnat de France. « C’est un match référence qui reste dans les mémoires, témoigne le latéral droit. En plus, on bat le grand Marseille de l’époque donc c’était quelque chose. »
Les saisons suivantes, le Racing se stabilise en première division alors que « Siko » devient un des piliers du vestiaire sang et or. Sa timidité est derrière lui et il met en avant un côté plus volubile. « À la base, quand je ne connais pas, je ne fais pas le premier pas. Mais, avec le temps, j’ai beaucoup évolué au niveau de mon caractère et je suis devenu moins renfermé. » En leader, il réalise des actions décisives comme ce penalty marqué face à Caen, un match décisif pour l’Europe en 1994, ce splendide coup franc qui accroche la lucarne du FC Nantes en 1995 ou encore cette frappe légèrement piquée contre les mêmes Nantais un an plus tard. De belles années qui ne font que confirmer son statut de cadre au sein de l’effectif artésien. Malheureusement, une rupture du ligament croisé du genou vient prématurément mettre un terme à son exercice 1996-1997. Une période compliquée à traverser avant la grâce de 1998.
« On avait une équipe spéciale avec une ossature de joueurs formés au club à laquelle on a ajouté des pièces de qualité comme Stéphane Ziani ou Anto Drobnjak. » Si la mayonnaise a vite pris au sein de cet effectif lensois version 1997-1998, c’est aussi grâce au côté fédérateur qui régnait dans le vestiaire. « L’intérêt avec les équipes bien construites, c’est que les joueurs qui arrivent s’intègrent vite. On a appris à connaître les nouveaux, on les a mis dans les meilleures conditions et les relations se sont faites naturellement. Être dans un club familial aide beaucoup aussi. » Sur le terrain en revanche, ça ne se passe pas comme convenu. « Notre début de saison est un peu poussif », admet « Siko ».
Mais les hommes de Daniel Leclercq l’ont bien compris : la clé d’une saison réussie, c’est la régularité. « Il y avait des équipes mieux armées mais sur 34 journées, il faut savoir être régulier. Nous, on termine par une série de victoires. » Et à Auxerre, menés 1-0 lors du dernier match de la saison, pas de panique. « On était serein parce qu’on savait que tous les efforts de la saison allaient payer. On a conservé notre philosophie de jeu tournée vers l’avant et on est allé chercher cette égalisation. 98, c’est vraiment l’apogée », résume-t-il. Une apogée aussi bien collective qu’individuelle puisqu’Éric Sikora est nommé dans l’équipe type de Division 1 à l’issue de cet exercice 1997-1998. Une chanson lui est même dédiée : « Numéro 2 sur le maillot, captain’ siko, il se bat comme un toréro,… »
Le titre propulse le Racing sous les projecteurs. Si bien qu’Éric Sikora est convoité. En France, « Bordeaux me voulait mais ça n’a pas abouti à cause d’une histoire de contrat », mais aussi de l’autre côté de la Manche. « J’étais proche de signer à Liverpool mais il y a eu un couac au dernier moment. Derrière, Lens m’a proposé un contrat plus long et une garantie pour ma reconversion. J’ai toujours privilégié le collectif donc je suis resté. » Des regrets ? « Siko » n’en a guère grâce à une grosse capacité de résilience. « J’ai vite oublié ces histoires de contrat et de transfert et je me suis remis au boulot. » Un choix du cœur qui va s’avérer payant car pour cette saison 1998-1999, c’est la Ligue des Champions qui l’attend. La première de l’histoire du RCL.
Au moment de citer les grands moments de sa carrière, « Siko » est catégorique. « Il y a le titre bien sûr mais Wembley… Les vestiaires, le stade,… tout est mythique. Je me souviens qu’on a pris trois quarts d’heure de plus après l’entrainement pour apprécier le lieu. » Un moment fort, ponctué par une victoire historique face au FC Arsenal (0-1) dans la plus grande compétition européenne. Un exploit gravé dans les mémoires.
Sur le territoire, les Sang et Or brillent également et vont offrir le deuxième titre national en deux ans aux supporters lensois en remportant la Coupe de la Ligue aux dépens des Messins (1-0). Le second pour « Siko » également. Suivront l’année suivante, les prouesses face au Celta Vigo ou l’Atlético de Madrid en Coupe de l’UEFA. « Le 4-2 contre l’Atlético au match retour des 8es de finale, c’est un moment de grâce. » La formation lensoise se hisse jusqu’en demi-finale. Battus par un Arsenal revanchard, Éric Sikora et sa bande auront tout de même marqué l’histoire du club une énième fois.
La fin de carrière approche pour « Siko ». Pendant ses trois dernières années, moins présent sur le terrain, il se fond dans un rôle d’homme de vestiaire, au contact des plus jeunes pour leur transmettre son expérience et son savoir-faire. Une mission qu’il s’attache à garder lors de son après-carrière. Après un court passage au sein du service commercial du club, le terrain le rappelle rapidement. Il devient ainsi adjoint auprès de l’équipe professionnel puis entraineur des équipes de jeunes du Racing de 2006 à 2012. Des années couronnées de succès avec un titre de Champion de France avec les U18 en 2009 en tant qu’adjoint d’Éric Assadourian. Il prend également les rênes de l’équipe première pour deux missions maintien en 2012-2013 puis 2017-2018. Jusqu’à aujourd’hui où il fréquente toujours les locaux de La Gaillette.
Grâce à son poste d’éducateur auprès des U19, il entretient sa fidélité au drapeau sang et or. Une loyauté sans équivalent. « Monsieur Racing Club de Lens », tout simplement.