Pour ce deuxième volet de notre rubrique « Entre les lignes », Djiman Koukou nous emmène en Afrique où il a grandi. Le jeune béninois nous parle de ses racines, de son arrivée en France, de sa petite famille et de ses rêves. Récit…
C’est à Porto-Novo, la capitale historique du Bénin, que Djiman Koukou a vu le jour le 14 novembre 1990. Entouré de ses 10 frères et sœurs, on peut dire que « c’était le bordel à la maison ! A l’image des grandes familles africaines. » Mais cette joyeuse cacophonie n’aura pas duré longtemps puisqu’à l’âge de 5 ans Djiman a dû quitter son village et les siens. « Mon papa et ma maman m’ont confié à mon oncle et à sa famille pour que je puisse être scolarisé. C’est pour cela que j’ai rejoint Bohicon, la sixième plus grande ville béninoise, située dans le centre du pays. »
Malgré la distance, il est resté très proche de ses parents. « Ils ont toujours été là pour moi et étaient très attentifs à mes résultats à l’école. » En même temps, il a beaucoup appris au contact de son oncle ingénieur-chercheur-agronome.
Dans sa « deuxième famille », ils étaient aussi nombreux. Avec ses six cousins et cousines, c’était la fête tous les jours. « On s’entendait comme des frères et sœurs. A la maison, on rigolait bien ! J’étais le plus sage de tous. Je travaillais bien à l’école. J’avais toujours de bonnes notes. » De toute façon, Djiman n’avait pas le choix. A la moindre bêtise, il savait à quoi il aurait droit : « Quand on faisait une connerie, on nous menaçait de nous renvoyer au village. On craignait beaucoup ça car on savait que là-bas, il n’y aurait aucune opportunité pour nous. » Et l’opportunité que Djiman voulait saisir n’était autre que devenir footballeur…
La passion du foot lui est venue en regardant la télévision. Celui qui avait la chance d’avoir un petit écran chez lui, voyait sa famille, ses voisins et des enfants du quartier s'agglutiner dans sa maison ! Ils regardaient bien évidemment des matchs de foot ! « Les gens ne se rendent pas compte à quel point les Béninois adorent le football. Moi, je voulais faire comme ces joueurs que je regardais à la télé. C’était un rêve ! J’avais envie de porter un jour le maillot d’une équipe et que l’on me voit à la télévision moi aussi. »
Son idole, c’était Zinédine Zidane ! Il l’a découvert à l’âge de huit ans, pendant la Coupe du Monde 98. L’histoire raconte que quelques années plus tard, Djiman signait à Evian Thonon-Gaillard, son premier club français, dont l’ex numéro 10 des Bleus était actionnaire…
Les parents de Djiman n’ont pas eu la chance d’être scolarisé. « Mon père était agriculteur et ma mère, ménagère. Mais elle s’est toujours beaucoup intéressée aux programmes d’alphabétisation. Elle se débrouille bien, aide les enfants et les personnes les plus démunies… »
L’école, c’était donc très important pour eux et ils ne voulaient pas que leur fils fasse du football son métier. Mais plus le temps passait, plus le ballon rond prenait le pas sur ses études. « J’ai commencé à ne plus aller à l’école. Je rentrais à la maison sale de la tête aux pieds car je passais mes journées à frapper à la balle. Ça a failli me priver de football car mes parents voulaient que je sois bon à l’école. »
La passion était plus forte que tout. Djiman participait à des tournois avec l’équipe de la ville sous les yeux de nombreux recruteurs. C’est là qu’il a été repéré pour la première fois. A 16 ans, il avait l’opportunité de quitter Bohicon pour Cotonou, la capitale économique. « L’actuel président de la Fédération béninoise de Football, Anjorin Moucharafou, s’est porté garant pour m’aider à continuer mes études tout en jouant au football à un plus haut niveau au Soleil FC. Ça n’a pas été facile mais il a réussi à convaincre mes parents de me laisser partir pour commencer ma carrière de footballeur. »
Souvent appelé en équipe nationale, Djiman y a fait la rencontre de Patrick Aussems, sélectionneur du Bénin. Une rencontre providentielle puisque ce dernier, après avoir rejoint Evian-Thonon-Gaillard en tant qu’entraîneur adjoint a décidé d’y faire venir le jeune béninois. « J’avais 18 ans lorsque je suis arrivé en France. J’étais très excité de venir ici ! Je n’ai jamais eu peur car j’avais toujours rêvé de ça ! Ma seule crainte était que mes parents refusent de me laisser partir. Heureusement mon coach du Soleil FC, Vizir Touré et son adjoint Grégoire Azongnide, qui m’appréciaient énormément, m’ont beaucoup aidé et ont convaincu mes parents. Le fait que je me détourne de plus en plus des études a aussi fait pencher la balance. Je ratais les cours et je n’allais pas aux examens. J’ai commencé la Terminale mais je n’ai jamais passé mon baccalauréat. »
Djiman a commencé à toucher du doigt son rêve de footballeur mais tout n’a pas toujours été si beau pour lui. Il a aussi connu les années de galère, les années sans jouer, les années sans club. « Dans le foot, il y a des hauts et des bas. Quand on est au plus mal, il faut avoir la foi pour avancer et relever la tête. Ma force, c’est ma foi. Ma religion. C’est ce qui me permet de continuer et de rester confiant. »
Sa femme et ses filles l’aident aussi à relever la tête et à avancer. C’est à l’âge de 17 ans qu’il a rencontré Sandrine. Ils vivaient dans le même quartier au Bénin. Après deux ans de relation, Djiman est parti vivre son rêve en France. « Ma chance est que je jouais en sélection donc on se voyait quand je rentrais au pays. » Malgré la distance, Djiman et Sandrine ont fini par se marier au pays. Deux ans plus tard, sa femme et leur première fille, Sawsan, sont venues en France. « Quand elles m’ont rejoint, ça m’a fait bizarre. C’est là que j’ai vraiment réalisé que j’étais papa. Je ne savais pas quoi faire et comment m’y prendre avec la petite. J’appelais ma famille pour lui demander des conseils : “Est-ce que je ne suis pas trop méchant ? Est-ce que je fais comme il faut ?“ Heureusement, ma femme m’a aidé à devenir père. »
C’est avec beaucoup d’émotion et les larmes aux yeux que Djiman continue de parler de Sandrine : « Ma femme a toujours été là ! Elle a été très courageuse. Je la respecte énormément. Je lui dois tout ! » Avec sa deuxième fille, Fathia, Djiman était rodé. « Ça s’est bien passé. J’ai pu être présent et accompagner ma femme dans sa grossesse. »
Il est loin le temps où Djiman courait avec les enfants dans les rues de son quartier et où ses parents le rappelait à l’ordre : « C’est terminé les moments d’angoisse pour mes parents. Ils n’en revenaient pas que je vive seul et que j’arrive à me débrouiller. Je suis fier de pouvoir leur retourner leur confiance. Ils sont contents pour moi et m’encouragent à continuer. »
Aujourd’hui, Djiman sait qu’il a parcouru un long chemin mais qu’il n’est pas encore arrivé là où il aimerait être. Pour lui mais aussi pour le Bénin. « Je n’ai pas assez de notoriété pour aider les gens de mon pays. Il faut déjà que je me fasse une place ici. C’est ma lutte au quotidien. Faire des résultats, porter le club où il doit être. J’aimerais, dans le futur, aider mon pays. Je réfléchis déjà avec mes proches pour savoir ce que je pourrais apporter à ma communauté. Il faut réfléchir à un vrai projet avant de se lancer. En Afrique, il n’y a pas besoin de beaucoup de moyens pour faire changer les choses ! »