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Pour ce nouvel Entre Les Lignes du mois de mai, Frédéric Duplus nous emmène près de Belfort où il a grandi dans sa famille d’accueil. Toujours bien entouré, Fred nous raconte comment il a abordé la vie depuis son plus jeune âge…

Récit

C’est le 7 avril 1990, à Belfort, que Frédéric Duplus a vu le jour. Sa maman aimante a dû faire un choix difficile mais bienveillant alors qu’il avait à peine 3 ans : le confier à des personnes qui pourraient subvenir aux besoins de son petit. « J’ai rejoint ma famille d’accueil, dans la ville de Delle, avec mon grand frère Alexandre car ma mère ne pouvait pas assumer l’éducation de deux enfants. Ce n’était pas du tout un abandon et je ne lui en ai jamais voulu. »

Avec son frère Alexandre

 

« Être l’enfant métisse de deux parents blancs »

Fred a gardé de bons contacts avec sa mère biologique qui l’a vu devenir un homme. « J’ai simplement grandi avec une deuxième maman et un deuxième papa que je considère comme mes réels parents car ce sont eux qui m’ont éduqué. ». Quant à son père biologique, il ne le connait pas mais avoue n'avoir jamais ressenti de vide grâce à son papa de substitution. Sans vouloir en faire un problème identitaire, Frédéric était curieux de connaître ses origines. « C’était spécial d’être l’enfant métisse de deux parents blancs. Je me suis forcément posé des questions. » Mais sa mère ne voulait jamais en parler. « Quand j’ai eu des enfants, j’ai souhaité en savoir plus. J’ai fait mes propres recherches et j’ai su qu’il était d’origine sénégalaise mais je n’ai jamais voulu le rencontrer. Et puis, je n’en avais pas spécialement envie. »

Avec sa mère

Au sein de sa famille d’accueil, l’ambiance était toujours excellente. Benjamin d’une famille de cinq enfants, Fred a vécu une enfance heureuse aux côtés de sa grande soeur Manuelle et de ses trois frères Alexandre, Fabrice et Anthony. « Pour moi, ce sont tous mes « vrais » frères et sœur car j’ai grandi et passé toute mon enfance avec eux. ». Cette famille recomposée a été une force. Les enfants étaient tous épanouis et ils ne ressentaient pas l’aspect spécial de la situation. « Il y avait beaucoup d’amour dans notre famille. »

Frédéric a grandi à Delle, une ville tranquille a à peine 30 kilomètres de Belfort. Marqué par une enfance « normale » et une scolarité correcte, comme il le dit lui-même, le football a rapidement fait partie intégrante de sa vie. A 7 ans, c’est avec ses amis de Delle que Fred a découvert sa passion pour ce sport. Jusqu’à ses 11 ans, il jouait pour le plaisir dans un club de la ville avant que ses grands frères ne détectent chez lui un talent qui pourrait intéresser une structure professionnelle. « J’ai rejoint le club sochalien et mon rythme de vie a changé ! Ce n’était plus que école, entraînement, école, entraînement. J’y ai rapidement pris goût ! »

A seulement 20 minutes de Delle en voiture, Frédéric a eu la chance de ne pas connaître l’internat et de rentrer tous les jours chez ses parents. « Ça m’a permis de garder un lien fort avec eux tout en ayant une bonne formation. Ils m’ont permis de ne pas faire n’importe quoi. Entre 12 et 18 ans, c’est l’âge des bêtises. Ça m’a sans doute évité de prendre un mauvais chemin. »

Avec ses cousins et cousines

Reconnaissant

Conscient des sacrifices faits par ses parents, il est aujourd’hui très reconnaissant. « Ma famille m’a toujours soutenu. Le monde du foot, ce n’est pas facile. Il faut être bien entouré. Je lui dois énormément par rapport à ma réussite sportive. » Durant sa période sochalienne, il a aussi pu compter sur le soutien de ses amis de Delle. « Quand je revenais chez moi, je passais beaucoup de temps avec mes amis, histoire de penser à autre chose qu’au foot », raconte t-il.

Malgré ce rythme de vie éprouvant, Fred ne retient au final que la très bonne ambiance qui régnait au sein du centre de formation du FC Sochaux. « Quand on se sent bien quelque part, on y va avec plaisir. Les coachs, le directeur du centre, les collègues, tous les joueurs, tout le monde me motivait. Ça a été le cas pendant toute mon adolescence, jusqu’à ce je passe pro. J’allais chaque jour au centre avec grand plaisir. Je prenais même du plaisir à l’école ! C’est ça qui m’a maintenu dans l’espoir d’aller plus haut. »

C’est à Sochaux que Fred a signé son premier contrat professionnel, avant de rejoindre la Belgique à l’âge de 23 ans. « C’était un grand changement mais il a été facilité par ma femme et mon premier enfant, Souleymane 7 ans, qui sont venus avec moi. » Faisant preuve d’une grande maturité, le jeune papa a épousé Imene alors qu’il n’avait que 18 ans. « Notre union est ce qu’il m’est arrivé de plus beau et de plus fort ! J’ai voulu me marier rapidement pour avoir une situation stable. Ça m’a plutôt souri. ». Soutien incontestable dans les bons comme dans les mauvais moments, il sait qu’il pourra toujours compter sur elle. « Elle a été une force supplémentaire lors des épreuves que j’ai rencontrées, quand je me suis blessé, pendant les coups durs du foot et de la vie. »   

« Dans les moments difficiles »

Sa famille s’est agrandie quelques années plus tard avec l’arrivée de la petite Leyna, 4 ans. « Avec ma femme, on s’efforce de transmettre à nos enfants l’éducation que nous avons reçue. On est tous très soudé ! C’est fusionnel et naturel. » Parents cools mais toujours avec des règles de valeur et de respect. Cette façon de vivre leur a en partie été inculquée par la pratique de la religion. « Connaître l’Islam authentique est une des meilleures choses qui me soit arrivée. Beaucoup de valeurs me correspondent et font de moi ce que je suis aujourd’hui. La religion m’aide dans les moments difficiles, que ce soit sportivement ou dans la vie de tous les jours. »

Frédéric s’est intéressé très jeune à la religion, épaulé par sa famille d’accueil qui n’y voyait aucun inconvénient. « Je suis d’abord allé au catéchisme. Puis vers 14-15 ans, j’ai découvert la mosquée. C’était plutôt pour voir mes copains de l’époque qui y allaient. Et finalement, ça m’a vraiment touché. Je m’y suis reconnu. Mes parents m’ont permis d’avoir cette liberté et de choisir ce que je souhaitais. Ça s’est fait ensuite assez naturellement. » Frédéric explique que l’Islam a donné un sens à sa vie et y a trouvé des réponses aux questions de la vie. « Malheureusement, elle est ternie par des personnes qui font des choses horribles et totalement contraires à ce qui est prescrit et enseigné. C’est dommage. Personnellement, j’essaye de suivre ma voie et ce n’est pas compliqué. »

Avec son fils Souleymane et un de ses meilleurs amis

A la maison, Fred mène une vie « normale » : « Je n’ai pas de grandes passions. J’aime les activités simples comme le bowling, le billard, les échecs… » En revanche, il s’apprête à passer son permis bateau ! « Je voudrais louer un petit bateau pour profiter pendant les vacances avec ma famille et partir découvrir des lieux difficiles d'accès. »

Pas spécialement fan de football, il apprécie tous les sports. « J’aime bien pratiquer et regarder les grandes compétitions comme les Jeux Olympiques. L’esprit d’équipe me correspond. » Plus jeune, il admirait beaucoup Thierry Henry, pour ses buts comme pour ses célébrations. « Je regarde surtout les grands événements et les gros matchs, avec des joueurs que je connais personnellement. Mais je ne suis pas un fanatique de football. C’est peut-être un défaut parce que l’on apprend beaucoup en regardant. »

Pourtant, après sa carrière, Frédéric se voit rester dans le monde du football ou du moins dans le sport. « Le métier de préparateur physique me plaît bien. Je sais que c’est compliqué de faire une formation pendant que l’on est en activité mais je vais essayer de passer des diplômes pour avancer petit à petit et m’orienter vers quelque chose de plus en plus précis. »

Clément Kielinski et Leïla Talbi - rclens.fr