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Publié le 10/10/2024 à 17h59

Le match de sa vie. Sarah M’Barek a pris la tête de l’équipe féminine en 2020. Son sourire franc dans les couloirs de La Gaillette - associé à sa détermination sans faille lorsqu’elle enfile son costume d’entraîneure - lui a permis de faire valoir son esprit fédérateur et de développer la section féminine du club. Paradoxalement, c’est loin des terrains que l’ex-internationale française (18 sélections) a mené son plus grand combat. Atteinte d’un cancer de stade 4, la coach sang et or est revenue sans détour sur cette épreuve de vie aussi dure qu’enrichissante…

Découvrez le deuxième témoignage de la campagne de sensibilisation À ce stade, en soutien à la lutte contre le cancer.  

Sarah, à quel moment de votre vie le mot « cancer » est-il apparu pour la première fois ?

« C’était il y a un peu plus de trente mois. Je suis capable d’être assez précise car une étude est effectuée sur les lymphomes et j’ai un suivi depuis la date à laquelle on m’a annoncé que j’en avais un. À l’époque, j’étais déjà très diminuée. J’avais notamment perdu du poids. Cela a été très dur à entendre et à réaliser. »

« Il s’agissait du plus grand match de ma vie et je devais absolument le gagner. »

Aviez-vous déjà eu un parcours avec la maladie ? 

« Oui, j’ai des soucis de santé depuis que je suis enfant donc j’ai appris à vivre avec. Je suis greffée d’un rein depuis 18 ans. Les médicaments que je dois prendre – que l’on appelle des « anti-rejets » - provoquent certains effets secondaires sur le long terme. Les études démontrent qu’il y a 33% de risques supplémentaires d’avoir un cancer en prenant ce traitement. Je pensais qu’en tant que sportive, puis en tant qu’ancienne sportive ayant une bonne hygiène de vie, je passerais entre les mailles du filet. C’était dur à encaisser sur le moment mais je n’ai jamais lâché. Je me suis tout de suite mise en mode « combat ». Il s’agissait du plus grand match de ma vie et je devais absolument le gagner. »

 

Comment l’avez-vous annoncé à vos proches ?

« C’est la phase la plus difficile. Mon mari était présent avec moi lors du rendez-vous avec l’hématologue donc il a tout de suite été au courant. Par contre, j’ai mis plus d’un mois à l’annoncer à ma famille, notamment mes parents car je savais que cela impacterait leurs vies. La personne pour qui cela a été le plus dur, c’est mon fils Kylian. J’ai mis plus de deux mois à lui en parler. J’ai rencontré une psychologue qui m’a aidé à préparer l’annonce, trouver les bons mots. Pendant dix jours, je me levais le matin avec l’intention de lui dire mais je n’y suis pas parvenue. Un jour, j’ai pris mon courage à deux mains et je lui ai annoncé. Il avait évidemment déjà compris que c’était grave et il m’a rassurée, du haut de ses 16 ans, en me disant qu’il aurait aimé être au courant plus tôt. J’ai ce petit regret de ne pas avoir été honnête plus tôt mais il a bien encaissé, il a été fort. »

Sarah M'Barek Racing Coeur de Lens RC Lens Ligue contre le cancer
« Je me suis préparée à mourir et, par chance, la deuxième séance de chimiothérapie a fonctionné. »

Quelles ont été les étapes qui ont suivi l’annonce de ce cancer ? 

« Les médecins ont entamé une immunothérapie. Ils avaient prévu quatre injections et au bout de celles-ci, ils devaient me dire si on démarrait une chimiothérapie. Les anticorps ont fonctionné mais pas suffisamment. J’allais un peu mieux mais je faisais des TEP-scan (un examen scintigraphique qui détecte dans le corps des sites de fixation d'un traceur faiblement radioactif injecté par voie intraveineuse, ndlr) régulièrement. Ils m’ont annoncé que la maladie était très agressive et qu’il fallait démarrer la chimiothérapie. C’est quelque chose de très violent. On m’a expliqué que j’allais perdre mes cheveux, que je serais très fatiguée et qu’il y aurait des effets secondaires. J’étais faible physiquement. J’ai touché le fond, je n’avais plus de force, je ne m’alimentais pas. L’hématologue a prévenu ma famille qu’elle devait se préparer au pire. Moi, on ne m’a rien dit mais j’avais conscience que mon état était grave. Je me suis préparée à mourir et, par chance, la deuxième séance de chimiothérapie a fonctionné. Le cancer a commencé à reculer et la tumeur est partie à la quatrième séance. »

 

À ce moment-là, nous sommes en 2022. Comment faites-vous pour combiner votre traitement avec votre rôle de Manageure de la section féminine ? 

« Grâce à mon staff ! Au départ, même en étant à la maison, je gérais tout à distance. Le fait de préparer les séances et de communiquer avec mes adjoints m’aidait à tenir. Mais lorsque j’ai été hospitalisée, même regarder mon téléphone était fatiguant. À ce moment, j’ai vraiment coupé. J’ai laissé le « bébé » (rire).

J’ai reçu beaucoup de messages de soutien de la part du club, du staff et des joueuses. Dès que j’ai eu un regain d’énergie, j’ai tout de suite eu envie de revenir et reprendre les choses en main car c’est cette perspective qui me donnait de la force. »

 

Quel rôle le Racing a-t-il joué ?

« Dans ce genre de situation, il y a d’abord de nombreuses démarches administratives très lourdes à effectuer. C’est une facette à laquelle on ne pense pas quand on est malades et de ce côté-là, les équipes du club m’ont beaucoup aidée. On a échangé sur la possibilité de prendre un remplaçant en attendant et la direction a finalement décidé de laisser mon adjoint, Samuel Delcroix, assurer l’intérim. Finalement, la dernière chimiothérapie a fonctionné à la fin de la saison 2021/22 et j’ai pu reprendre mon rôle d’entraîneure. J’ai eu la chance d’avoir la confiance du Racing pour rester en poste et d’être bien accompagnée tout au long de cette période. »

 

À quel moment les médecins vous annoncent-ils que vous êtes en rémission ?

« On m’annonce la rémission complète en octobre 2022. C’était assez rapide, bien qu’intense, mais on a toujours du mal à y croire. Je savais que pour ce genre de maladie, il y a souvent des récidives.

Aujourd’hui, je suis toujours suivie de près, j’ai encore passé des examens il y a quelques jours et la rémission est toujours complète. Je savoure la vie. Tous les matins, je me lève en étant simplement heureuse d’être en vie. J’ai toujours des petites angoisses comme la peur d’aller dormir et de ne pas me réveiller. Trouver le sommeil est parfois difficile. Cependant, ma vision de la vie a totalement changé : j’ai envie de croquer la vie à pleines dents et de profiter de chaque instant. Même si je ne le montre pas forcément, toutes mes émotions sont décuplées, à commencer par celles d’une victoire. À l’inverse, je parviens à relativiser beaucoup plus certaines choses. »

« avoir réussi à battre le cancer au moins une fois est déjà une belle victoire. »

Finalement, combien de fois avez-vous battu le cancer ? 

« Une fois et demie (rire). Car il y a eu deux étapes dans le traitement. La première étape, on m’avait prévenue que les anticorps n’étaient pas spécialement efficaces mais qu’il fallait passer par là. On me disait que la tumeur diminuait, donc j’y croyais, et finalement la chimiothérapie intervient. C’est donc une deuxième bataille qui commence. Finalement, la tumeur était la même mais c’étaient deux étapes très difficiles. Récemment, j’ai eu un souci de santé et on a cru à une rechute. Je me suis demandée si j’aurais la force de me battre à nouveau. Finalement, c’était rien de grave. Pour moi, avoir réussi à battre le cancer au moins une fois est déjà une belle victoire. »

 

En quoi votre vie a-t-elle changé ?

« Sincèrement, la perte des cheveux est très difficile. C’était une étape compliquée. J’avais peur du regard des gens donc j’ai acheté une perruque que je mettais en présence de beaucoup de monde. Puis, plus le temps passait, plus j’arrivais à assumer, à me promener la tête nue à la maison. Un jour, j’ai oublié que je n’avais rien sur la tête et j’ai ouvert la porte au facteur, qui était assez surpris (rire). Au final, cela m’a appris à m’accepter comme j’étais. J’ai aussi appris à me contenter de l’essentiel de la vie. Tout ce que je veux aujourd’hui, c’est être en bonne santé, voir ma famille en bonne santé, et vivre des moments de bonheur. »

 

Que pensez-vous du fait que le Racing s’implique depuis plusieurs années dans la lutte contre le cancer, notamment dans le cadre d’Octobre Rose ?

« Forcément, j’ai une sensibilité particulière due à mes antécédents médicaux. J’ai aussi vécu la perte de coéquipières à cause du cancer, d’abord Gwladys Bresson avec qui j’étais au Montpellier HSC. Puis, j’ai perdu Océane Rogon d’une tumeur au cerveau à seulement 20 ans. C’étaient des épreuves terribles. Quand on est touchées par la maladie, on a envie de sensibiliser les gens.

À notre échelle, si on peut apporter quelque chose à la recherche scientifique ou à des associations, il faut le faire. Il faut aussi sensibiliser sur les comportements à adopter. Par exemple, le jeune public féminin ne connait pas forcément les gestes simples de la palpation pour prévenir le cancer du sein. J’apprécie beaucoup que le club nous accompagne dans la mise en avant d’Octobre Rose depuis quatre ans. Cette année, la campagne « À ce stade » va encore plus loin et permet de sensibiliser un public encore plus large donc je suis très contente d’y participer. »

Sarah M'Barek Racing Coeur de Lens RC Lens Ligue contre le cancer
des gestes simples, rapides et efficaces

En 2024, plus de 900 000 personnes sont touchées par le cancer du sein. Un autoexamen permet de déceler un éventuel cancer grâce à des gestes simples, rapides et efficaces. Un diagnostic précoce constitue le meilleur moyen d’agir contre le cancer du sein. S’il est détecté assez tôt, ce cancer peut non seulement être guéri mais aussi être soigné avec des traitements moins agressifs et moins mutilants. L’autoexamen ne remplace pas l’examen chez un professionnel de santé (gynécologue, médecin généraliste, sage-femme). Ainsi, dès l’âge de 25 ans, il est conseillé d’effectuer un rendez-vous annuel chez un professionnel de santé. À partir de 50 ans, un dépistage organisé (mammographie) est recommandé tous les deux ans.

Pour obtenir plus d'informations, rendez-vous sur le site internet de la Ligue contre le cancer

Les gestes techniques pour un autodiagnostic

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