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Publié le 28/11/2019 à 18h18

Découvrez notre nouvelle rubrique « Point Par Point » qui retrace la vie de nos joueurs. C'est au tour de Clément Michelin de se prêter au jeu !

Point Par Point
.La.Famille.

« Je suis né à Montauban mais j’ai grandi pas loin dans le petit village de Verdun-sur-Garonne. Mes parents habitent toujours dans notre ancienne ferme rénovée.

Mon père est agriculteur et ma mère est famille d’accueil depuis quelques années après avoir aidé mon père dans son activité. Ma petite sœur de 14 ans s’appelle Cassandra. La plus grande, c’est Alexia. Elle a 26 ans.

Je ne suis pas du genre à prendre des nouvelles tous les jours mais je m’entends bien avec mes sœurs. On a toujours eu une bonne relation. J’ai même habité avec Alexia lorsqu’elle faisait ses études à Toulouse. Maintenant qu’elle habite à Paris, c’est plus pratique pour la voir. »

.L'enfance.

« J’étais un hyper actif ! J’abîmais tout le temps mes vêtements, j’avais des trous aux jeans et des bleus. Ma mère a même été convoquée par la maîtresse lorsque j’étais en primaire. Elle avait des doutes sur le fait que mes parents puissent me frapper. J’étais un casse-cou qui avait besoin de bouger. Sinon, j’étais un garçon attachant, sage mais plein de folie.

J’étais un bon élève à l’école. Ma mère était derrière moi pour que je travaille bien. J’aimais bien les maths et les matières scientifiques. Quand j’ai commencé à m’entraîner avec les pros, c’est devenu compliqué. Je ne me sentais pas d’assurer les deux donc j’ai changé de filière. J’ai eu mon bac à 10,02. J’ai assuré le minimum [Ndlr, rires]. »

.La.vie.à.la.campagne.

« On s’ennuie vite [Ndlr, rires]. Mais ce qui était bien quand j’étais plus jeune, c’est que j’étais tout le temps dehors. Je ne regardais que très peu la télévision. J’aidais mon père dans son travail, on allait pêcher dans la Garonne près de la maison, je me baladais à vélo, mes amis venaient chez nous. Je m’intéressais à beaucoup de choses et j’avais des facilités. Aujourd’hui, ça fait du bien d’y retourner. C’est tranquille, calme.
Vivre à la campagne ou en ville c’est différent. Ce que j’aimais à Toulouse c’est qu’il y avait un peu des deux. »


Avec son petit cousin

.Les.débuts.

« Pour la petite anecdote, la première fois que j'ai marché, c'était sur un terrain de football à Verdun-sur-Garonne. Un signe du destin ? [Ndlr, rires].

Mon père adorait le football. Je sais qu’il aurait aimé faire ce que j’ai fait mais avant c’était délicat. Il y avait moins de moyen et ses parents ne pouvaient pas faire comme les miens. Mon père et ma mère ont fait des sacrifices et se sont beaucoup investis. Inconsciemment, ils se concentraient un peu plus sur moi. Mes sœurs aussi m’ont toujours soutenu. Tout tournait autour de mon football.

On a un très grand jardin à la maison, limite un terrain de foot. J’y passais mes journées. Ma mère m’en a acheté des chaussures ! Je prenais du plaisir à regarder des matchs. Naturellement ça m’a amené à vouloir devenir professionnel. C’est un rêve qui s’est réalisé. Maintenant il faut aller encore plus haut. »

.LE.football.

« J’ai commencé le foot à l’âge de 5 ans à Verdun-sur-Garonne pendant 1 an. Ensuite, j’ai fait une pause pour tester d’autres sports comme le judo mais ça a duré un jour. Apparemment je n’ai fait que pleurer pendant une heure. [Ndlr, rires] J’ai aussi fait du rugby à l’école mais par rapport à mon physique, j’avais peur de me blesser. Finalement j’ai renoué avec le football.

 

Je suis allé dans le club de mon parrain à Montech. Je me suis découvert une âme de compétiteur mais c’était trop… J’avais la haine de perdre. Sur le terrain, je ne supportais pas de perdre un ballon. Je me mettais dans des états pas possibles. Je me rendais malade. Ça commençait à faire un peu peur à mes parents. Il a fallu me calmer un peu là-dessus. C’est à ce moment-là que je me suis blessé. C’est sûrement arrivé au bon moment...

Un jour, un ami est venu me voir à l’école pour me dire qu’il y avait des détections à Toulouse et qu’il fallait que l’on y aille. J’étais partant ! Le soir même, je préparais mon sac sans le dire à mes parents. Bien évidemment, ma mère l’a vu et m’a demandé ce que je faisais. Quand je lui ai expliqué, elle m’a dit « tu es fou ! ». Elle a appelé la mère de mon ami et elles se sont renseignées sur les détections. Mon premier test s’est bien passé contrairement à celui de mon ami. J’ai aussi réussi le second. Petite frayeur car Toulouse n’était pas sûr de pouvoir me prendre pensant que j’habitais à Montech, à plus de 50 kilomètres de Toulouse, hors de la zone autorisée de recrutement. Heureusement, j’habitais à Verdun-sur-Garonne qui se trouve plus près.

Au début, c’était très dur. J’étais loin de mes parents et j’avais quitté mes copains. Quand je rentrais de l’internat pour passer le week-end en famille, je disais que je voulais arrêter. Je remercie mes parents de m’avoir poussé car ça ne devait pas être évident de savoir que leur fils de 10 ans était malheureux. La dernière image qu’ils avaient lorsqu’ils me déposaient au centre, c’était moi en pleurs à la fenêtre. Ils ont joué un grand rôle en me réconfortant et en m’encourageant. Avec le temps, je me suis fait des amis et j’ai trouvé mes repères. Ça m’a permis de continuer.

La structure professionnelle m’a aidé à me calmer et à me canaliser. Ça m’a pris du temps et ça a été un gros travail sur moi-même. Je me souviens que parfois je finissais les matchs en pleurs. Je prenais vraiment trop les choses à cœur. Et ce n’était pas que sur le terrain. J’étais aussi comme ça quand je jouais à la console ou que je regardais un match. Limite, j’allais casser la télévision. C’était fou mais en même temps c’est ce qui m’a appris à ne pas lâcher et à avoir envie d’atteindre le haut niveau. 

A 20 ans, je suis parti de Toulouse pour l’AC Ajaccio où j’étais prêté. A contrecœur, mais j’avais besoin de temps de jeu. Je ne savais pas comment ça allait se passer et où j’allais atterrir. Finalement, c’était une belle expérience même si au niveau du football ce n’était pas la folie. Je n’ai pas beaucoup joué mais j’ai appris à vivre très loin de ma famille et de mes amis. J’ai découvert un nouveau Clément et ça m’a fait du bien. C’était une belle expérience. Ça m’a appris à être encore plus patient. J’ai rencontré de belles personnes et j’ai découvert une très belle île.
J’ai joué peu de matchs mais j’ai pu montrer de quoi j’étais capable. Grâce à cela, j’ai été repéré par Lens. C’est comme ça le football. Il y a des choses que l’on ne comprend pas mais il faut se remettre en question, trouver des solutions, avancer. J’apprends toujours de ce métier. »

.un.challenge.

« Une phrase m’a marqué lorsque mon grand-père était venu à Toulouse, une des rares fois : « Je t’ai vu jouer, je ne savais pas que tu étais capable de faire ça. Maintenant, je veux te voir là-haut ! » A partir de ce moment-là, c’était mon objectif ! Mon grand-père est décédé en 2005. A chaque fois que j’entre sur le terrain, j’ai une pensée pour lui et ma grand-mère. D’ailleurs, j’ai un tatouage pour leur rendre hommage. C’est un moment fort de ma vie qui m’a donné une certaine motivation. »

.Une.bonne.étoile.

« En 2016, j’ai vécu des choses incroyables en très peu de temps. En une semaine, j’ai été Champion d’Europe U19, j’ai obtenu mon BAC et j’ai joué pour la première fois en pro !

Avec l’Equipe de France, on était une sacrée génération. Je jouais avec Mbappé, Diop, Harit, Augustin, Tousart… de grands joueurs qui aujourd’hui ont déjà une belle petite carrière. J’étais le seul qui n’était pas professionnel. J’étais l’inconnu du groupe et la révélation du tournoi. J’ai fini meilleur passeur. J’ai pu prendre conscience de mes qualités. Quand j’entrais sur le terrain, je savais que l’on allait faire un gros match, s’amuser et gagner. C’était un sentiment énorme !

Après le tournoi, j’ai eu Pascal Duprez qui m’a fait comprendre qu’il comptait sur moi : « Je te laisse un peu de temps pour réviser et dès que tu as ton bac, fais-moi confiance, tu joueras. »  Soit je prenais des vacances, soit je pouvais intégrer le groupe professionnel. Mon choix a été vite fait !  
Le jour où j’apprends que j’ai mon bac, je fais mes premières minutes en Ligue 1 contre Lille ! Pascal Dupraz avait tenu parole. Deux jours plus tard, il m’apprend que je suis titulaire face au Paris SG contre qui on a gagné 2-0. C’était incroyable !

Ça s’est ensuite enchaîné pendant 2-3 mois. J’avais une bonne étoile au-dessus de ma tête. Tout me réussissait et je me sentais vraiment bien. C’était une période de folie. »

.Coup.d’arrêt.

« Après cette belle période, ça s’est un peu compliqué pour moi. Ça faisait 3 ans que j’enchaînais entre les matchs et les entraînements sans prendre de vacances. Je jouais à un poste un peu éprouvant sur les couloirs. Il fallait vraiment envoyer. J’étais le jeune du groupe donc je voulais prouver à chaque match que j’avais ma place. A force, mon corps a dit stop. J’ai eu une pubalgie. J’ai dû m’arrêter pendant 4 mois. Quand tu es jeune et que tu as joué au haut niveau, c’est difficile de tout stopper comme ça. Tu trouves que tu perds du temps et tu vois les autres jeunes joueurs en train de tout casser. Ce n’était pas facile mais ça m’a vraiment aidé. Je ne tire que du positif de cette blessure. Ça m’a permis de connaître mon corps. Maintenant je prends du plaisir à faire des soins, à prendre soin de mon corps, à bien manger, à bien dormir. »

.Personnes.marquantes.

« Mes parents ont été les personnes les plus importantes et déterminantes dans ma carrière. Il n’y a pas beaucoup de parents qui peuvent s’investir autant et faire autant de sacrifices même si je pense que tous les parents veulent accompagner leurs enfants dans leur projet et leur rêve.

Fabrice Garrigues était mon coach en U17. Je le considérais comme mon second père. Tout le monde me disait que j’étais son chouchou mais au contraire, il était dur avec moi. Il avait une très bonne relation avec mes parents. Ils venaient du même coin. Il m’a accompagné et m’a dit des choses qui se sont réalisées : « Tu seras toujours un peu en décalage par rapport aux autres mais tu dois être patient. » Je le porte dans mon cœur. »

.Caractère.

« Mes formateurs m’ont appris à gérer mes émotions sur le terrain. On ne peut pas se permettre de réagir avec notre instinct et de péter un câble. J’étais un peu comme ça étant jeune. J’ai vite compris que dans le foot l’image que tu dégages n’est pas forcément la vraie mais c’est important de rassurer ses coachs et ses équipiers.

Je suis un faux calme. Je pense que l’on est amené à être mature plus vite quand on part jeune du cocon familial. A 14 ans, j’ai dû apprendre à m’occuper de moi, faire ma lessive, bien manger, bien dormir. Je constate même que je suis en décalage avec mes amis de par ma maturité. J’ai vite pris conscience que je ne pouvais pas être un fou sur le terrain. Parfois, j’ai encore un peu ce caractère qui, je pense, est positif car j’ai cette grinta. Je dois cependant me canaliser et gérer mes émotions. »

.Un.complexe.

« Physiquement, j’avais toujours un peu de retard. J’étais toujours le plus petit, le plus maigre. J’avais du mal à accepter le regard des gens. J’y attachais beaucoup d’importance. J’avais des problèmes de croissance et des petites blessures. Ce n’était pas facile mais c’est bien de passer par ce genre d’épreuves, de galérer car quand tout est facile et qu’à un moment ça bloque, tu n’es pas prêt. C’était le bon chemin à prendre et je ne regrette rien.

Je manque parfois de confiance en moi et c’est là que mon complexe refait surface. Je fais un peu trop attention à ce que pensent les gens. Une fois arrivé sur le terrain, ça disparait. »


Entouré par ses parents, ses sœurs et son beau-frère

.En.dehors.du.foot.

« Mis à part les matchs, les entraînements et le repos, je ne fais pas grand-chose. Je suis en train de chercher une activité. Pourquoi pas apprendre à jouer du piano.

J’adore faire des rencontres. Lorsque je suis parti à Ajaccio, je me suis découvert une nouvelle facette : le fait d’aller vers les gens, d’apprendre à les connaître. C’était vraiment agréable. »

.L’avenir.

 « Certes je suis jeune mais je commence déjà à penser à mon avenir. J’ai plein d’idées en tête qui évolueront sûrement avec le temps. Mon agent est bien placé pour me le rappeler, mes parents aussi.

Je vais commencer une formation sur le placement d’argent. Je découvre qu’il y a plein de choses que je ne connais pas et qui sont à ma portée. Mon autre rêve est d’ouvrir un restaurant avec mes amis proches. 

Mon père ne m’a jamais clairement demandé de reprendre l’activité agricole même s’il a déjà tenté de me faire passer des petits messages subliminaux. Mais après ma carrière, j’aimerais prendre la relève, d’une manière plus moderne, avec des amis. Ça me tient à cœur et je pense que ça lui ferait du mal que l’entreprise s’arrête.

Ce qui est certain, c’est que je ne serai pas coach… Quand je rentre à la maison, j’aide mon père qui entraîne une équipe du club de mon oncle. Je fais des séances à ses côtés, je suis un peu son coach adjoint. Je pique des exercices que l’on fait à La Gaillette. C’est sympa, ça fait du bien, je vois d’anciens équipiers et d’anciens coachs. Mais c’est plus pour aider mon père et passer du temps avec lui et les enfants.
Pour le moment je ne me vois pas devenir éducateur. Quand il y a trop de monde, je n’arrive pas encore à gérer. Alors avec des enfants… Et puis socialement parlant, quand tu es coach, tu te dois d’être pareil et bien avec tous les joueurs. Me concernant, quand je n’apprécie pas quelqu’un, ça se voit tout de suite [Ndlr, rires]. »

Par Leïla Talbi - rclens.fr