Publié le 03/02/2021 à 12h48
À la tête du projet sportif du Racing, Florent Ghisolfi reste discret sur son travail. Par philosophie et par nature. Le jeune coordinateur sportif lensois préfère les actes aux paroles, mais le mercato hivernal terminé, nous lui avons proposé ce long entretien. Réussite, regrets, contrats, recrutement, objectif… Comme à son habitude il n’a éludé aucun sujet.
Florent, que ce soit en termes de résultats sportifs, de comportement de groupe et d’évolution des infrastructures, on vous imagine satisfait aujourd’hui ?
« Oui nous sommes satisfaits. La place actuelle est méritée sportivement. Elle est la résultante de différents paramètres sportifs et structurels qui ont trouvé leur complémentarité.
La compétence du staff constitué. La qualité et force mentale des joueurs qui étaient en Ligue 2 la saison passée et qui se sont adaptés rapidement à l’étage supérieur. L’apport de nos 9 recrues, en termes de qualité et d’expérience. Et notre ADN depuis un moment, l’état d’esprit.
Sans oublier des choix structurels forts qui ont donné une nouvelle dynamique au club et au groupe.
La salle de musculation en particulier qui nous permet de passer un cap et la réfection des terrains, dont celui de Bollaert, qui facilite le développement du jeu actuel. Je tiens au passage à saluer les efforts de chacun pour que cela ait été possible.
Il y aurait encore des dizaines de détails à citer. Chaque détail a son importance et c’est la somme de tous qui nous fera atteindre nos objectifs. »
Connaissant votre exigence, il y a toujours un « mais ».
« [Ndlr, rires] Oui nous devons capitaliser sur cette confiance mais conserver une grande exigence.
L’exigence quotidienne pour l’ensemble des salariés du club est une base. Encore plus pour les joueurs, le staff et les dirigeants.
Les grands champions ont un degré d’exigence et de remise en question extrême, voire maladif. Ils en veulent toujours plus et savent se fixer à chaque étape des objectifs plus importants.
C’est parfois usant car l’humain a naturellement envie de se reposer et de savourer. Mais nous devons insister sur ça chaque jour. Et peut être encore plus ici au Racing, quand on connait l’histoire du club et le sens de l’effort des gens de la région.
Et puis nous savons que nous aurons des périodes plus difficiles, tous les coudes devront être bien serrés ! »
Revenons aux satisfactions et donc au staff dans un premier temps.
« Le staff est aujourd’hui d’une grande efficacité. Nous avons misé cet été sur la fraîcheur, la compétence et la complémentarité. L’organisation est claire. Nous échangeons quotidiennement avec Franck Haise, coach et chef d’orchestre du groupe, et Laurent Bessière le responsable du département performance.
Sans tous les nommer, il y a encore beaucoup de compétences et d’investissement autour d’eux. Notre grande satisfaction est que chacun travaille pour l’autre et pour la performance de l’équipe.
Mais comme pour le reste, il faut rester exigeant et garder ces valeurs. Le jour où un individu pensera qu’il est plus important que le groupe ou le club, nous serons en danger. Mais nous sommes, tous ensemble, en vigilance sur les éventuels signaux faibles. »
Et le groupe de joueurs ?
« Nous avions des objectifs précis cet été pour la constitution du groupe. Aujourd’hui, il y a de la qualité et de la complémentarité, mais il faut rester mesuré. 70% de l’effectif faisait partie du groupe Ligue 2 la saison passée. Et dans nos 9 joueurs recrutés, il y a un 2e gardien, 2 joueurs libres et sans expérience de la Ligue 1, 3 prêts et 3 transferts onéreux. Le staff optimise le groupe et ce dernier dégage une force collective.
Depuis que Joseph Oughourlian et Arnaud Pouille m’ont permis de prendre le projet sportif en mains, notre base immuable est l’état d’esprit de chaque individu qui va créer l’état d’esprit collectif. Ce n’est pas une science exacte mais cela se peaufine à chaque mercato. Aujourd’hui, c’est notre plus grande satisfaction.
Nous cherchons à constituer notre groupe avec des joueurs de caractère. Et nos joueurs et notre équipe, tout comme le staff, ont le bon caractère. Celui qui fait que notre équipe ne lâche jamais rien. Tout en ayant un respect naturel de l’institution et du cadre collectif. Ils ont des valeurs humaines et sont conquérants. Ils sont « Lens » en fait. »
Vous insistez régulièrement sur le collectif…
« C’est primordial. À mon arrivée, on m’a bien expliqué que c’était la philosophie du club, ça tombe bien puisque c’est également la mienne [Ndlr, rires]. »
On imagine la frustration de ne pas vivre ces moments avec le public à Bollaert-Delelis...
« Se plaindre ne sert à rien. On doit rester positif et s'adapter.
Mais évidemment on est déçus de ne pas vivre ces matchs avec un Bollaert en ébullition. Certains joueurs ont aussi signé pour jouer dans cette ambiance fantastique et je suis déçu pour eux.
La frustration doit être encore plus grande chez nos supporters qui doivent rêver de revenir apporter toute leur énergie dans leur cathédrale de Bollaert.
Il faut juste patienter mais j’espère que c’est pour bientôt. »
L’objectif reste toujours le maintien ?
« Je n’oublie pas d’où l’on vient. Et je le répète à souhait.
Nous sommes un promu de la 28e journée. Nous étions 20e sur la grille de départ du championnat de Ligue 1, juste derrière Lorient 19e. Nos adversaires ont construit leur staff et leur effectif sur plusieurs saisons de Ligue 1.
Notre objectif initial étant le maintien, une place de 17e nous satisferait déjà.
Mais aujourd’hui nous avons 34 points en 22 matchs. Et nous avons parlé juste avant des grands champions qui se fixent continuellement de nouveaux objectifs. Je demande à tout le monde de faire du « Lens ». C’est-à-dire rester humbles et discrets, mais ambitieux et conquérants. Je le répète souvent, nous respectons tout le monde, mais n’avons peur de personne. »
Vous vous exprimez très rarement, expliquez-nous votre rôle de coordinateur sportif ?
« Notre manière de fonctionner est claire et limpide. Les grandes lignes sont fixées par Joseph et Arnaud, nous avons un projet sportif dont j’ai la responsabilité.
Sans entrer dans les détails, mes principales missions sont la constitution du staff et de l’équipe, la direction de la cellule recrutement… Tout ça en lien permanent avec Joseph et Arnaud.
Je suis un rouage entre les différentes composantes et suis garant du respect de l’institution et du cadre collectif dans le groupe pro.
C’est un rôle de l’ombre qui me correspond bien. »
Justement comment est organisée la cellule de recrutement ?
« Partis d’une page blanche à mon arrivée post PSE en mai 2019, nous restons aujourd’hui une petite structure en comparaison des autres clubs de Ligue 1. J’ai aujourd’hui en interne 2 personnes à temps plein qui m’accompagnent.
Samir Chamma qui est arrivé en août 2019, en provenance de Nancy. C’est un garçon qui a du vécu, d’une grande discrétion et d’un grand professionnalisme. Il est basé à Lens et gère la logistique de la cellule.
Et Grégory Thil qui nous a rejoint en juillet 2020. Il est basé plus au centre de la France. Il vient d’arrêter sa carrière et est plein de fraîcheur. Avec sa sensibilité offensive, il apporte une complémentarité très intéressante.
Dans ce rôle clé dans un club de football, ma priorité est d’avoir à mes côtés des personnes compétentes, discrètes et efficaces.
Nous sommes en effectif réduit, mais en ordre de marche.
Et je sais que je peux aussi m’appuyer sur Franck Haise dans la partie finale dite de « positionnement ». Franck a une excellente projection sur les profils observés et nos échanges sont très constructifs et utiles afin de réduire la marge d’erreur. »
La cellule recrutement du centre de formation a aussi évolué…
« C’est globalement le projet formation qui évolue depuis le retour d’Eric Assadourian en janvier 2020. Malgré le contexte sanitaire compliqué et les arrêts des championnats, on sent que les choses avancent bien.
Récupérer un élément comme Olivier Bijotat, de retour au club après son passage à Valenciennes, est un signe fort.
Eric Sikora qui revient s’investir auprès des jeunes en est encore un. Il est la personne idoine pour transmettre l’ADN RC Lens à nos jeunes joueurs.
Ils viennent s’ajouter aux forces vives déjà présentes.
Concernant le recrutement, André Charlet, qui a restructuré depuis 1 an et demi la cellule recrutement du centre de formation, va transmettre à Alaeddine Yahia cette responsabilité.
Eric Assadourian parlera de tout ça plus précisément. Il gère le projet avec expertise depuis 1 an. »
L’équipe réserve est aussi freinée par les contraintes sanitaires.
« La N2 était une des satisfactions de cette saison. Les contenus et les résultats étaient positifs, tout en évoluant avec des jeunes joueurs. Mais l’arrêt de la compétition impacte négativement. Nos jeunes sont en manque de matchs officiels. Ceux du groupe pro ayant peu de temps de jeu en équipe première aussi. Mais les récentes rencontres amicales montrent que Yohan Démont et son staff ont géré au mieux cette période sans compétition.
C’est aussi pour ça que nous avons cherché des solutions pour certains lors de ce mercato hivernal. »
Justement un mot sur le mercato hivernal qui vient de se terminer ?
« Notre feuille de route était claire : pas de recrutement, sauf en cas de départ d’un joueur important de l’équipe et travailler sur quelques départs de joueurs en manque de temps de jeu.
Les objectifs étant de montrer la totale confiance dans le groupe actuel, de réduire le nombre de joueurs pour que chacun soit le plus concerné possible, de donner du temps de jeu à certains jeunes pour qu’ils continuent leur développement et leur valorisation.
Et compte tenu de la période que nous traversons, bien évidemment de réaliser des économies de salaire sur les 6 mois. »
Quelle est à présent la feuille de route pour les six prochains mois, et le mercato estival ?
« Compte tenu du contexte actuel il est trop tôt pour en parler en détails mais nous devons quoi qu’il en soit être dans l’anticipation.
Nous avons déjà bien avancé sur la première partie de cette saison. Des prolongations de contrat ont été actées. Il était important de stabiliser certains éléments régulièrement titulaires, mais qui étaient en fin de contrat à la fin de cette saison.
Yannick Cahuzac, Massadio Haïdara et Jean-Louis Leca étaient dans ce cas-là. Et nous les avons prolongés.
D’autres dossiers vont être à travailler dans les mois à venir. Prolongations, recrutements définitifs, et recrutements tout court pour cet été. Mais nous devons attendre l’impact des problèmes économiques actuels dans le football mondial et plus particulièrement français. Une fois cet atterrissage effectué, nous définirons les feuilles de route en fonction de ces impacts, et de notre situation sportive de fin de saison. »
À ce propos, un accord général sur la baisse des rémunérations sur 6 mois de tous les salariés vient d’être acté. Quel est votre sentiment ?
« Ce n’est pas anodin. C’est un signe fort. Chaque salarié a fait l’effort à son échelle et ça c’est immense. Je parlais d’esprit collectif précédemment, voilà une illustration parfaite !
C’était le moment de montrer au Président que nous sommes tous avec lui.
C’était aussi important pour nous d’envoyer un signal à l’extérieur. Nous sommes Lens, nous sommes unis et solidaires.
Staff, joueurs et autres salariés ont été dignes et exemplaires.
Tout ce que nous avons vécu, ce que nous vivons et ce que nous vivrons nous rend plus que jamais fiers d’être lensois. »