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Publié le 30/10/2019 à 14h47

Découvrez notre nouvelle rubrique « Point Par Point » qui retrace la vie de nos joueurs. C'est au tour d'Aleksandar Radovanovic de se prêter au jeu !

Point Par Point
.L’enfance.

« Je suis né le 11 novembre 1993 à Sabac en Serbie. C’est une ville très animée. Je ne sortais pas beaucoup car je préférais rester concentré sur le football qui est ma passion depuis tout petit. J’ai vécu une enfance mouvementée marquée par les vestiges de la guerre et rythmée par des bombardements et des conflits. »

.Une.histoire.bien.ancrée.

« Nous n’avons pas une grande histoire culturelle. On a surtout connu beaucoup de guerres. La première guerre mondiale a marqué la Serbie. C’était une période très difficile pour mon peuple. En 1993, il y a eu la guerre civile. C’était une époque terrible. Par exemple, ce n’était pas facile de trouver de la nourriture.

Je suis passionné par l’histoire de mon pays et celle de l’Europe, de la France, de l’Allemagne... On l’apprend à l’école. C’est très important pour nous de la connaître. Ça fait partie de notre éducation, de notre mentalité. Enfant, je posais énormément de questions à mon père qui a connu la guerre. Je voulais comprendre pourquoi on n’avait pas une belle vie et pourquoi elle était difficile.

J’ai des souvenirs de la guerre, comme en 1999, lorsque l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique Nord) a bombardé mon école… On n’avait plus d’endroit pour étudier. On devait rester à la maison. Une autre fois, j’étais en train de jouer au football avec des amis. Puis, on a entendu l’alarme retentir dans la ville. J’ai tout de suite couru rejoindre mes parents à la maison. La seule chose à faire était de se cacher dans le sous-sol. On entendait les explosions, j’avais peur et je n’avais qu’une chose en tête : « Faites que la bombe ne tombe pas sur nous. ».
Au bout d’un mois, on était habitué… quand on entendait l’alarme, on levait les yeux au ciel et on regardait les avions et les combats aériens.

La reconstruction a été difficile mais depuis 5 ans, c’est de mieux en mieux. La Serbie évolue. Mais les gens ont gardé des séquelles.

Il reste des traces de l’alliance entre la France et la Serbie. On peut voir « Le monument de la reconnaissance à la France » à Belgrade avec l’inscription : « Nous aimons la France comme elle nous a aimé - 1914-1918 ». Je pense que c’est de là que vient l’amour de mon père pour la France. Il adore ce pays. Je me rappelle que l’on regardait un match de la Coupe du Monde. Il m’a dit : « Fiston, écoute c’est le meilleur hymne du Monde ! ». Avant même d’apprendre l’hymne national serbe, je connaissais la Marseillaise [Ndlr, rires]. Maintenant je joue en France. Imaginez sa joie ! »


Aleksandar et ses parents

.Le.Football.

« J’étais très jeune quand j’ai touché pour la première fois un ballon. C’était avec mon grand-père, mon père et un ami. Ça m’a tout de suite plu et j’ai logiquement continué. Quand mes amis ne pouvaient pas jouer avec moi, je jouais seul dans le jardin devant le but confectionné par mon grand-père. A 6 ans, j’ai fait mon premier entraînement en club, à Macva Sabac. Je ne voulais faire que du foot ! J’étais passionné. Rien ne pouvait m’en détourner, pas même ma mère prof, de piano. Pourtant, elle a tenté… Après les entraînements, elle me chopait à la maison pour m’emmener aux cours de piano. Ce n’était vraiment pas mon truc. Pour y échapper, j’avais mis au point un petit stratagème : je restais plusieurs heures dans les vestiaires pour qu’elle ne me trouve pas à la maison. Elle a vite compris que je n’aimais pas jouer au piano !

A 20 ans, je suis parti seul à Belgrade pour jouer au OFK Beograd. Ça se situe à 80 kilomètres de Sabac. Je n’étais pas loin de ma famille. Chaque week-end, je rentrais chez moi. C’est un grand club serbe mais j’y ai vécu une période compliquée à cause d’une opération à l’épaule. Les six premiers mois ont été difficiles. Après une saison, j’ai changé de club. Je suis allé un peu plus loin, au Spartak Subotica, avec ma femme. »

.Une.personne.marquante.

« Tous mes coachs m’ont appris beaucoup de choses. Aleksandar Veselinovic, coach du Spartak, avait beaucoup d’expérience. Il m’a énormément aidé à m’améliorer. Trois mois après avoir signé à Vojvodina, il a rejoint l’équipe. Connaissant sa façon de travailler, c’était plus facile pour moi. »

.L’arrivée.au.RC.Lens.

« Je voulais partir de Serbie car mon rêve était de jouer dans un grand club européen. J’ai eu des offres du Portugal dont une qui me plaisait beaucoup. Finalement, mon agent m’a appelé pour me dire qu’un club français, Lens, me voulait. Il ne m’a pas fallu longtemps pour dire oui au Racing ! Quand j’ai annoncé la nouvelle à mon père, il m’a dit « Aleksandar, c’est la France ! Vas-y ! » [Ndlr, rires] Lens est connu en Serbie. D’ailleurs lorsque je jouais à FIFA, je prenais les Sang et Or [Ndlr, rires]. Je regardais leurs matchs, notamment quand Dusan Cvetinovic jouait ici. Quand je suis arrivé à Lens, j’ai pris une claque. Le stade, La Gaillette, les supporters… j’étais vraiment impressionné ! »

.La.vie.de.famille.

« J’ai rencontré Teodora quand j’avais 19 ans. C’était l’amie de la petite copine de mon meilleur ami. Vous suivez ? [Ndlr, rires] On avait tous rendez-vous dans un parc. Après ça, on a continué à se parler puis on s’est mis ensemble. On est marié depuis un an et demi.
La vie en France est difficile pour elle contrairement à moi. Elle ne parle pas bien le français et c’est compliqué au quotidien. Elle n’a pas beaucoup d’amis ici. Quand je rentre de l’entraînement, j’essaye de l’emmener visiter des coins de la région. Ça lui permet de voir autre chose. Elle s’est sacrifiée pour moi en venant en France.

Quand je rentre en Serbie, je revois mon cousin Vukasin. Je suis fils unique et je le considère comme mon petit frère. »



Aleksandar et sa femme Teodora

.L’homme.

« Je ne suis pas une personne qui aime sortir et faire la fête. Je suis calme et posé. Je préfère rester concentré sur le football. En général après un entraînement et un match, je reste à la maison, je me repose, j’essaye d’avoir une bonne hygiène de vie.

Je suis quelqu’un de nerveux. J’ai besoin d’évacuer et j’adore l’adrénaline. Si je n’avais pas été footballeur, j’aurais aimé faire de la boxe. Je me serais retrouvé dans cette discipline. »

.La.rage.

« Je suis quelqu’un de nerveux peut-être par rapport à ce que j’ai vécu et vu en Serbie. Mon passé m’a appris des choses. Il faut se battre, ne pas lâcher pour s’en sortir, pour avoir une belle vie. C’est pour cela que je me donne à 100%. Chaque match est pour moi un combat, une bataille !

Quand je marque, j’ai la rage ! C’est la mentalité des gens des Balkans qui ont du mal à se contenir. Le stade s’enflamme et je me laisse porter. C’est une explosion d’émotions et d’adrénaline. Jouer devant 30000 supporters ne me fait pas peur ! Au contraire, je suis reconnaissant. Ils donnent beaucoup de force et d’énergie. Ça me transporte. Je pense que les autres joueurs ont la même sensation que moi.

Au RC Lens et à Bollaert-Delelis, j’ai trouvé l’émotion que je recherchais pour bien jouer. Quand je vois le peuple lensois, quand je l’entends chanter les Corons, je ressens son histoire. Je sais ce que c’est d’avoir une vie difficile, de travailler dans un contexte compliqué comme le faisaient les mineurs. Le fait de visiter chaque année le Centre Historique Minier de Lewarde renforce mon empathie. C’est bien pour les joueurs de voir comment les mineurs travaillaient. Cela inspire le respect. C’est l’histoire de la région et du RC Lens.
Ça me donne la chair de poule de les voir aussi nombreux dans le stade à nous pousser en sachant tout ça. Certains supporters se privent de vacances pour avoir un abonnement. Je ressens beaucoup de responsabilité envers eux. Je dois de me donner à 100% chaque minute, chaque seconde pour eux ! »

Par Leïla Talbi - rclens.fr